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nourriture ; 3° l’énergie vitale des individus ; 4° chez les animaux doués d’organes visuels, la vue même de la couleur.

1° Les liquides vitaux sont souvent très éclatants par eux-mêmes, en raison de leur composition chimique : ainsi le sang chez les vertébrés, la bile chez certains mollusques marins. Mais, indépendamment de cette cause, toutes les fois qu’un tissu est exposé à la lumière, sa couleur subit sous, cette action des modifications spéciales. L’absence de lumière blanchit les végétaux ; les fruits rougissent du côté où. le soleil les frappe. Les animaux nocturnes sont pâles ou sombres ; en règle générale, ce sont les diurnes qui portent les vives couleurs. La huppe des mouches et la mouche elle-même, pâles d’abord, brunissent au jour. Le ventre des poissons, des oiseaux et des mammifères est moins brillamment coloré que le dos. Les oiseaux propres aux régions tropicales ont plus d’éclat que les oiseaux communs à ces régions et aux climats tempérés. « Les espèces de mollusques des mers peu profondes des tropiques ont des coquilles à couleurs bien plus vives que celles des mollusques des mers froides et profondes. » Chez les insectes, les individus d’une même espèce sont d’autant plus brillamment colorés qu’ils habitent des contrées plus méridionales (Lacordaire). Il y a la même différence entre les races humaines du nord et du midi. Les mineurs pâlissent, les moissonneurs ont le teint cuivré ou rougeâtre, etc. Mais, bien que l’action colorante de la lumière ne paraisse pas douteuse, elle ne saurait expliquer à elle seule la coloration de tous les êtres organisés. La flore des Alpes et celle des pays tempérés en général ne manquent pas de fleurs brillantes ; des régions situées à la même latitude ont les unes des oiseaux à teintes grises et uniformes, les autres des oiseaux à plumage éclatant. Les canards et les plongeons des régions arctiques sont plus beaux que ceux des tropiques ; il en est de même du canard royal de l’Amérique du Nord et du mandarin de la Chine septentrionale. Les faisans de la Mongolie ont des couleurs splendides. Dans les pays où le soleil est le plus ardent (il est difficile de séparer l’action de la chaleur de celle de la lumière), ce sont les parties nues, comme les déserts, qui ont la faune la plus terne ; les parties couvertes, comme les épaisses forêts des tropiques, abritent sous leur ombre des animaux plus richement ornés. Ce sont ces raisons qui déterminent M. Wallace à nier l’influence de la lumière et de la chaleur sur le phénomène qui nous occupe : conclusion excessive et qui, de crainte de dépasser les faits dans un sens, les dépasse dans le sens opposé.

2° La nourriture exerce aussi une action incontestable sur les téguments des animaux. Darwin a réuni quelques faits qui parais-