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çus dans le genre de celui-ci : « Il est impossible de refuser à l’âme la propriété de réfléchir, de se replier sur elle-même ; en effet, rien d’étendu ne peut parfaitement se replier sur soi-même : si l’on double une feuille de papier, jamais une partie ne se replie sur elle-même, mais toujours sur une autre. » Non moins profond l’éclectique Pedro Americo, un peintre de talent, assure-t-on, mais dont le livre : La science et les systèmes, n’est rien moins qu’une œuvre de philosophe. La liberté de la science dérive, selon lui, de la liberté de l’art, et il proclame l’infaillibilité de la raison la plus grande découverte de tous les temps.

Nous voici enfin en présence de quatre écrivains distingués, que M. Sylvio Romero appelle les quatre esprits brésiliens les plus marquants de ce siècle : L. P. Barrelo (As très Pliilosophias), José de Ribeiro (Fim da Creação), Guedes Cabral (Funções do Cerebro), Tobias Barreto (Ensaios et Estudos de Philosophias).

L. P. Barreto est un positiviste fervent, écrivain de propagande comtiste, pourfendeur consciencieux de l’a priori, qui déclare le darwinisme un vain système de métaphysique. — Le naturaliste amateur José de Ribeiro, malgré son érudition de seconde ou de troisième main, n’est pas dépourvu de sens critique. Pour lui, la fin de la création (puisque création et fin il y a), c’est l’accroissement continu de chaque partie organique des mondes : sa théorie s’appuie sur les données de la science positive ; mais il l’affaiblit par la négation gratuite du fameux système de Laplace. — Le livre du docteur Cabral résume avec clarté et intérêt les recherches faites en Europe relativement au grand organe : tentative hardie, qui a été applaudie par la jeunesse des écoles de Bahia, symptôme notable d’émancipation intellectuelle dans un pays qui n’a produit jusqu’ici que des compilateurs et qui possédera bientôt des expérimentateurs. — Tobias Barreto, c’est le rara avis, un poète, un critique, un philosophe, une véritable et forte individualité. Une dose légère du pessimisme de Hartmann, une plus forte du positivisme de Comte et du darwinisme de Hæckel, et nulle trace de servilité envers aucun système : tels sont les traits principaux qui recommandent la physionomie de ce vaillant champion de la science libre.

M. Sylvio Romero, qui nous fait si bien connaître ses compatriotes, mérite aussi d’être connu chez nous. Ses œuvres, qu’il ne m’est pas donné d’apprécier ici, sont déjà nombreuses, œuvres poétiques, critiques, ethnographiques et philosophiques. Le livre où j’ai puisé les renseignements qui précèdent dénote un critique, un érudit, bien plus, un philosophe, dans la rigoureuse acception du mot. Il doit être associé dans notre estime à son ami Tobias Barreto, le penseur qui termine son œuvre par ces paroles : « Wir wissen und wir werden wissen. »

Bernard Perez.