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connaissances élevées, d’être timide et peu propre aux affaires importantes ; elle est belle et séduisante, et cela suffit. Au contraire, elle exige toutes ces qualités de l’homme, et la sublimité de son âme ne se révèle que par l’estime qu’elle sait faire de ces nobles qualités, quand elle les rencontre en lui. Gomment, sans cela, tant d’hommes si laids, malgré tout leur mérite, parviendraient-ils à s’attacher des femmes si jolies et si séduisantes ? L’homme au contraire est bien plus exigeant à l’endroit des attraits ou de la beauté de la femme. La délicatesse de ses traits, sa naïve gaieté et son attrayante amabilité le dédommagent du manque de lecture et des autres défauts qu’il doit réparer lui-même par ses propres talents. On peut juger, d’après cela, combien le penchant que nous avons pour les femmes pourrait contribuer à nous ennoblir, si, au lieu d’une instruction sèche, on développait en elles de bonne heure le sentiment moral, afin de les rendre capables de sentir ce qui convient à la dignité et aux qualités sublimes de l’autre sexe, et de les préparer par là à regarder avec mépris les fades minauderies et à ne se rendre à aucune autre qualité qu’au mérite[1]. »

Les défauts des femmes sont jugés par Kant avec autant de modération que de bon sens : par exemple leur coquetterie.

« La coquetterie, c’est-à-dire le désir de séduire et de charmer, dans une personne d’ailleurs gracieuse, est peut-être blâmable ; mais elle ne laisse pas d’être belle, et on la préfère ordinairement à une contenance réservée et sérieuse. Beaucoup de faiblesses mêmes des femmes sont pour ainsi dire de beaux défauts. » Il en faut dire autant de la vanité. « Car, sans parler du désappointement qu’éprouveraient les hommes qui aiment tant à flatter les femmes, si celles-ci n’étaient disposées à bien accueillir leurs propos, cette inclination anime encore leurs charmes. »

D’ailleurs, observe malicieusement le spirituel philosophe, la coquetterie « ne manque pas d’un fondement réel et propre à la justifier. En effet, toute jeune femme est exposée à devenir veuve : ce qui fait qu’elle met en jeu ses attraits contre tous les hommes dont les circonstances pourraient faire des époux, afin, s’il y a lieu, de ne pas manquer de poursuivants[2]. »

De même, la dissimulation féminine a sa raison dans la faiblesse. « La femme ne se trahit pas facilement : aussi ne s’enivre-t-elle pas ; sa faiblesse lui commande d’être rusée[3]. »

La vertu de la femme est surtout fondée sur le sens de la beauté.

  1. Ut supra, p. 295.
  2. Anthropologie, trad. Tissot, p. 297.
  3. Fragments, p. 610.