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p. tannery. — thalès et ses emprunts a l’égypte.

C’est sans doute du même ouvrage apocryphe Περὶ τροπῆς que dérivent les données fournies par Diogène Laërce ; que Thalès le premier fit les mois de trente jours et l’année de trois cent soixante-cinq ; peut-être y trouvait-on aussi l’observation que le diamètre du soleil est la 720e partie du cercle qu’il parcourt[1].

Un autre ouvrage en vers, une Ναυτιϰὴ ἀστρολογία, attribué soit à Thalès, soit à un certain Phocus de Samos, devait renfermer la désignation de la Petite-Ourse, comme indiquant, d’après l’usage des Phéniciens, le pôle avec plus d’exactitude que la Grande-Ourse ; il semble d’ailleurs que ce soit d’après des vers de Callimaque que Diogène Laërce ait rapporté à Thalès l’honneur de cette indication.

Tels sont les seuls renseignements précis que nous possédions sur les connaissances astronomiques du Milésien ; elles ont un caractère pratique assez caractérisé, et il est clair que, si l’on met à part la dernière, c’est aux Égyptiens que sont empruntées les autres, depuis leur année solaire vague jusqu’à la mesure du diamètre du soleil, avec le gnomon et la clepsydre, suivant un procédé que nous a conservé Cléomède. Il est au reste tout à fait improbable que Thalès eût d’autres moyens d’observation.

Mais il est peut-être plus facile encore de préciser ce qu’il ignorait en astronomie que ce qu’il connaissait.

Il ne soupçonnait pas la sphéricité de la terre et devait se la représenter comme un disque plat, suivant la doctrine constante de l’école ionienne, Anaxagore compris.

D’après Aristote, ce disque flottait sur l’eau primordiale ; Thalès ne pensait donc pas que les astres continuassent leur route circulaire au-dessous de l’horizon. Ils devaient, pour lui, contourner latéralement le plateau terrestre, suivant l’opinion que soutint Anaximène et dont l’origine, sans une source analogue, resterait assez inexplicable auprès la conception contradictoire d’Anaximandre.

Considérant la terre comme cylindrique, Thalès ne devait pas regarder le soleil et la lune comme des globes sphériques, mais comme des disques (opinion d’Anaximène), ou bien comme des bassins circulaires (croyance d’Héraclite), pouvant se retourner de façon à montrer un côté obscur.

Il ne devait donc pas posséder une autre explication des éclipses ou des phases de la lune, ce que nous avons déjà indiqué[2].

  1. Il n’y a pas de doute qu’il ne faille corriger dans ce sens l’absurde leçon des manuscrits (I, 24) ; voir la jolie historiette racontée par Apulée (Flor., IV,18). Cette valeur du diamètre moyen du soleil (un demi-degré) est au reste la valeur classique dans l’astronomie hellène.
  2. Pour Anaximandre, ces phénomènes sont dus à des changements dans la forme des ouvertures au travers desquelles nous arrive la lumière des astres. —