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à développer sur ce sujet les thèses qui caractérisent son école. De la sorte, pour ce qui concerne la philosophie générale des sciences, ses idées d’ensemble, les règles de la méthode, etc., sont éparses dans toute l’œuvre, se trouvent sans lien commun, et ne sont pas assez mises en lumière.

Je ne peux donner du livre de M. Girard une idée plus exacte qu’en disant qu’il peut remplacer cette introduction nécessaire que Comte n’a pas voulu écrire. Cependant il ne faut pas penser que cette introduction soit écrite dans le style lourd et pénible du Cours de philosophie positive ; loin de là, M. Girard a une plume alerte, claire et élégante ; il excite l’intérêt du lecteur par des digressions inattendues, mais topiques sur l’art de la guerre, sur la musique, sur la thérapeutique, etc., digressions qui ne constituent pas la partie la moins importante de son livre et que nous serons, à notre grand regret, obligés de passer sous silence. Bref, s’il a fait, comme il le dit, œuvre de combat contre la routine, la bataille est menée par un habile tacticien, ingénieux à choisir son terrain et sachant merveilleusement tirer parti de ses troupes, même de celles qui ne valent rien. Je n’ai qu’à m’excuser d’être malheureusement incapable de faire goûter ces qualités à mon lecteur, dans la sèche analyse qu’il me reste à lui présenter. Pour me renfermer entre des bornes nécessaires, il me faudra d’ailleurs m’abstenir des applications faites aux diverses sciences des principes établis par l’auteur, et me contenter d’extraire de son œuvre la substance plus purement philosophique.

II. — Après un rapide aperçu historique, M. Girard détermine ce que sont la science et la philosophie scientifique.

La science est un ensemble de connaissances.

La connaissance consiste dans l’accord établi entre le subjectif et l’objectif. Ces deux contraires sont distingués de la façon la plus nette. Le subjectif est borné pour chaque individu aux manifestations de son for intérieur, à ce dont il a personnellement conscience. L’objectif comprend tout le reste : c la nature entière avec ses lois, le temps, l’espace, la matière, l’humanité dans ses expressions intellectuelles et sociales, l’art dans toutes ses manifestations, les idées traduites dans les faits et même les idées non réalisées, — l’opinion publique, par exemple, dont l’objectivité est devenue une nécessité pour les gouvernements. »

J’insiste sur cette distinction, parce que, habitués à désigner sous le nom de subjectif ce qui l’est par rapport à tel de nos semblables, nous sommes trop souvent portés à oublier que par rapport à nous-mêmes c’est un objectif et que nous devons le traiter comme tel. C’est par nos sens extérieurs que nous avons la connaissance d’une théorie de métaphysique tout aussi bien que de la chute d’une pierre.

L’accord entre le subjectif et l’objectif, accord qui constitue la connaissance, est plus ou moins complet ; les faits d’une part, nos idées de l’autre, sont, en thèse générale, beaucoup trop complexes pour qu’une parfaite correspondance puisse s’établir. On peut distinguer les