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analyses. — h. girard. La philosophie scientifique.

travers, peut-être conviendrait-il d’être plus indulgent pour les autres, et ne pas aller chercher dans leurs écrits les pages les plus communément ignorées pour mettre en relief des taches semblables. Je dis cela en particulier au sujet d’un de mes anciens maîtres à l’École polytechnique, Duhamel, dont je m’honore de garder la mémoire.

Les inadvertances de ce genre qu’a parfois commises M. Girard sont d’ailleurs ou occasionnées ou au moins aggravées par le second défaut que nous signalions tout à l’heure chez lui. Son érudition n’est que de seconde ou de troisième main, et on le voit immédiatement aux citations qu’il fait. Qu’il ait constamment recours, pour les définitions, non pas à des ouvrages philosophiques, mais au Dictionnaire de l’Académie, à celui de Littré, ou même à celui de Larousse, on peut admettre que cela donne à son livre une certaine saveur étrangère, augmentée d’autre part par de nombreuses citations, celles-là très bien venues pour nous, d’écrits belges que nous connaissons trop peu. Mais on s’étonnera à bon droit de le voir invoquer, à côté d’ouvrages estimables, à côté de maîtres justement renommés, des compilations sans la moindre autorité (par exemple la Physique de Ganot). D’autre part, il est loin de connaître à fond tous ceux qu’il cite, et dans ce cas il y a parfois une certaine imprudence, soit à s’appuyer sur leurs dires, soit à les attaquer.

Pour en revenir à Duhamel, il me paraît au moins singulier que M. Girard méconnaisse son principal titre de gloire, au point d’écrire (p. 263) : « Et quant à l’infiniment petit, avant d’examiner son objectivité, soit réelle, soit idéale, il sera nécessaire que quelqu’un assez heureux pour en posséder la conception se donne au moins la peine de la traduire en bon français. »

La définition de l’infiniment petit, telle qu’elle est classique chez nous depuis les travaux de Duhamel, « une quantité variable qui peut devenir plus petite que toute valeur arbitrairement assignée, » est certainement en aussi bon français qu’on peut le désirer sur un tel sujet. D’ailleurs, dans le langage de M. Girard, l’infiniment petit est évidemment un objectif réel, toutes les fois qu’on le considère in concreto (ex. un arc de cercle infiniment petit) ; idéal, toutes les fois qu’on le considère in abstracto. Quand, d’autre part, M. Girard réclame l’introduction explicite de la notion de mouvement dans les fondements de la théorie du calcul infinitésimal (comme s’il voulait nous ramener aux fluxions de Newton), il ignore que ce qu’il y a d’essentiel dans cette notion pour la théorie dont il s’agit se trouve, à un degré parfaitement suffisant, dans la définition de l’infiniment petit en tant que variable ; que l’on ne doit pas aller plus loin, parce que le raisonnement peut porter sur des infiniment petits dont la variation discontinue n’est nullement assimilable à un mouvement.

Le détail de critiques de ce genre nous entraînerait beaucoup trop loin ; nous nous bornerons donc à ces deux exemples du double défaut signalé. J’ajouterai cependant que le second surtout occasionne des-