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relations constantes, dans leurs rapports réciproques ; tous les faits sont ramenés à leurs lois, toutes les lois sont des cas particuliers de la loi universelle, des corollaires de la formule suprême, dans laquelle se résume tout le système des choses. Généraliser n’est pas expliquer : la loi universelle n’est qu’un fait très général, qui, comprenant ce qui est commun à tous les autres faits, les coordonne. On a beau s’élever de lois en lois, « on n’atteint ni les raisons ni les causes, qui sont les vrais principes d’explication. » La nature est-elle un mot ? une abstraction ? ou un Être ? demande l’esprit. « Ce grand tout n’est-il même qu’un système ? La vie universelle est-elle continue ou fractionnée, éparpillée à l’infini à travers le temps et l’espace ? En un mot, le monde est-il réellement un Tout ou un Être, l’Être universel, l’Être cosmique à proprement parler, principe, cause, substance, sujet de la vie universelle ? » Ainsi, l’œuvre de la science positive achevée, l’esprit n’est pas satisfait ; il veut une science du Tout, de l’infini, du nécessaire, des principes et des causes ; la métaphysique reste à faire, parce que toutes les questions qui s’imposent ne sont pas résolues, et que l’expérience scientifique ne suffit pas à les résoudre[1].

Il y a des problèmes nécessaires, inaccessibles à la science, qui les déclare insolubles par ses méthodes rationnelles. Mais la science avec ses méthodes, disent les théologiens, c’est l’esprit humain avec toutes ses puissances : où elle s’arrête, il faut poser les limites de l’esprit. Sommes-nous donc condamnés au supplice des questions impossibles ? Découragement salutaire. La raison, égarée par l’orgueil, croyait entendre Dieu en s’écoutant, et elle prenait ses fantaisies successives, ses rêves éphémères pour les principes éternels des choses ; enfin elle a été jusqu’au bout d’elle-même, elle reconnaît que l’infini la dépasse infiniment, elle se tait sur les choses divines et laisse à Dieu le soin de parler de lui. Dieu a parlé, écoutons la parole de Dieu, acceptons sans discuter son autorité suprême. L’enfant a foi dans son maître, la foule a foi dans ses savants, ayons foi en Dieu, le maître des maîtres, le savant des savants, et que dans l’obscurité silencieuse de la raison humiliée s’allume la flamme de l’amour divin, qui échauffe le cœur en éclairant l’esprit.

La science positive, reposant sur l’expérience, ne peut la dépasser, c’est évident ; reste a démontrer que la science positive est toute la science, qu’elle épuise les puissances intellectuelles. L’autorité du savant se propose, l’autorité du théologien s’impose ; l’une est la foi dans la raison, l’autre la foi en dehors de la raison ; rien à conclure

  1. Ibidem.