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restreindre au nécessaire. Par l’exercice, les mouvements appropriés se fixent à l’exclusion des autres. Il se forme dans les éléments nerveux correspondant aux organes moteurs des associations dynamiques, secondaires, plus ou moins stables (c’est-à-dire une mémoire) qui s’ajoutent aux associations anatomiques, primitives et permanentes.

Si le lecteur veut bien observer un peu ces actions automatiques secondaires, si nombreuses, si connues de tout le monde, il verra que cette mémoire organique ressemble en tout à la mémoire psychologique, sauf un point : l’absence delà conscience. Résumons-en les caractères ; la ressemblance parfaite des deux mémoires apparaîtra d’elle-même :

Acquisition tantôt immédiate, tantôt lente. Répétition de l’acte, nécessaire dans certains cas, inutile dans d’autres. Inégalité des mémoires organiques suivant les personnes : elle est rapide chez les uns, lente ou totalement réfractaire chez d’autres (la maladresse est le résultat d’une mauvaise mémoire organique). Chez les uns, permanence des associations une fois formées ; chez les autres, facilité à les perdre, à les oublier. Disposition de ces actes en séries simultanées ou successives, comme pour les souvenirs conscients. Ici même, un fait bien digne d’être remarqué : c’est que chaque membre de la série suggère le suivant : c’est ce qui arrive, quand nous marchons sans y penser. Tout en dormant, des soldats à pied et même des cavaliers en selle ont pu continuer leur route, quoique ces derniers aient à se tenir constamment en équilibre. Cette suggession organique est encore plus frappante dans le cas cité par Carpenter[1] d’un pianiste accompli qui exécuta un morceau de musique en dormant, fait qu’il faut attribuer moins au sens de l’ouïe qu’au sens musculaire qui suggérait la succession des mouvements. Sans chercher des cas extraordinaires, nous trouvons dans nos actes journaliers des séries organiques complexes et bien déterminées, c’est-à-dire dont le commencement et la fin sont fixes et dont les termes, différents les uns des autres, se succèdent dans un ordre constant. Exemple : monter ou descendre un escalier dont nous avons un long usage. Notre mémoire psychologique ignore le nombre des marches ; notre mémoire organique le connaît à sa manière, ainsi que la division en étage, sa distribution des paliers et d’autres détails ; elle ne se trompe pas. Ne doit-on pas dire que, pour la mémoire organique, ces séries bien définies sont rigoureusement les analogues d’une

  1. Mental Physiology, p. 75, § 71.