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raison doit-elle précéder la question des procédés et des méthodes qui permettront d’utiliser ces lois pour le succès de l’éducation elle-même. Il est trop clair que les moyens à employer varient nécessairement avec les fins qu’on se propose, et que les propriétés mêmes du sujet sur lequel l’art doit agir changent complètement d’aspect pour le praticien selon la nature du but auquel il prétend les ajuster.

Ne s’ensuit-il pas que, pour apprécier les différents systèmes pédagogiques à leur juste valeur, la première et la plus indispensable condition est une connaissance claire et précise du véritable but de l’éducation ? Sans elle, en effet, quel autre critérium resterait que le critérium empirique et variable de l’efficacité ? « Que la fin visée par l’éducateur fût bonne ou mauvaise, toujours est-il qu’il l’a atteinte ; les moyens du moins étaient bons, si la fin ne l’était pas. » Voilà, ce semble, à quelle sorte de jugements serait réduite la critique des systèmes pédagogiques, sans la lumière supérieure des principes. Et, sans doute, c’est une qualité nécessaire des moyens que d’être efficaces ; mais c’est tant pis, quand la fin à laquelle ils conduisent n’est pas désirable ou ne peut être atteinte qu’au détriment d’une fin plus désirable encore. En pédagogie, non plus qu’en morale et en politique, le succès n’est pas une justification suffisante ; et d’ailleurs ce critérium même ferait nécessairement défaut à toutes les théories qui n’auraient pu être mises à l’épreuve de la pratique. Elles échapperaient donc à toute appréciation, à moins qu’on ne les taxât d’utopies, irréalisables, par cela seul qu’elles n’auraient jamais été réalisées.

Il s’en faut malheureusement de beaucoup que les penseurs soient d’accord pour définir de la même manière le but de l’éducation ; et les traces de cette divergence d’opinion ne sont que trop visibles dans l’ouvrage si consciencieux et si « suggestif » que M. Compayré a consacré à l’histoire critique des doctrines de l’éducation en France. Peut-être même l’auteur n’a-t-il pas assez compris, à notre gré, l’importance capitale de cette partie de son sujet. Préoccupé avec raison de la dépendance nécessaire qui unit la pédagogie à la psychologie, il n’a pas été frappé au même degré de la subordination plus étroite encore qui la rattache à la morale ou pour mieux dire à cette philosophie première de l’art que Stuart Mill appelle téléologie. Il ne pose même pas le problème du but de l’éducation dans sa préface, et c’est seulement dans sa conclusion, après avoir énuméré « quelques-unes des données essentielles que la psychologie fournit dès maintenant à la pédagogie, » qu’il dresse un tableau des diverses formes d’activité qui constituent la vie, ou, en d’autres termes, « des