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jusqu’à la philosophie grecque. Tel qu’il a été conçu, cet ouvrage comprend déjà un espace assez considérable. En réalité, c’est une revue de l’histoire de la pensée humaine au sein des Églises et en dehors de ces Églises, où est mis en relief le côté par où les différents systèmes touchent à la philosophie de la religion. À ce point de vue même, l’ouvrage pourra passer pour incomplet, puisque la théologie catholique est purement passée sous silence.

Ce livre répond donc, si l’on veut, à un objet suffisamment déterminé ; mais il est, somme toute, mal conçu. Ce n’est nullement une histoire, mais une série de notices, soigneusement écrites, qui forment un ensemble lourd et dépourvu d’attrait. Ce sont, selon l’expression allemande, des matériaux, des contributions ; ce n’est point un livre.

Cette masse de détails n’est point relevée par une pensée un peu forte ; d’ailleurs je veux plutôt louer l’auteur d’avoir laissé derrière la porte sa propre façon de sentir. Le peu qu’il nous en laisse entrevoir fait deviner une âme à la fois confuse et naïve. « Quel est, dit M. Pünjer, l’utilité de cette histoire ?… Aux théologiens eux-mêmes, elle pourra servir. Elle nous offre un ensemble singulièrement bigarré de vues et d’opinions sur la religion. Est-il aucun spectacle d’où résulte avec plus d’évidence cette vérité, que le christianisme n’est pas un principe philosophique, une vérité de l’intelligence que l’esprit humain n’a qu’à s’assimiler, mais un fait historique, une force de vie nouvelle et divine ? Toutes les conceptions exposées dans ce volume se sont succédé ou même ont existé simultanément dans l’Église, et cependant, malgré tous les combats, l’Église a continué de répondre à sa vocation divine. Est-il quelque part un témoignage plus éclatant, que la diversité des opinions humaines ne porte point atteinte à la vérité divine de la religion ? Pourquoi. donc alors ce combat acharné, ces luttes intestines des partis, qui rendent si intolérable la vie ecclésiastique du temps présent ? » Mais, excellent M. Pünjer, qui avez trouvé sans trop de peine, par un simple effort de votre bonne volonté candide, la formule qui réconcilie l’eau avec le feu, la philosophie avec la théologie, la science avec la foi, et qui, armé de cette formule inoffensive et des leçons de l’histoire, prêchez la paix aux Églises, on dirait que c’est vous qui n’avez jamais lu l’histoire ! Les faits même auxquels touche sans cesse votre livre ne montrent-ils pas que les Églises, en même temps qu’elles jettent l’injure à ceux du dehors, outragent ceux de leurs membres qui ne s’inclinent pas servilement devant l’opinion dominante ? que cette opinion dominante n’est le plus souvent que celle des plus bornés et des plus fanatiques, qui arrivent au pouvoir par leur absence de scrupule sur le choix des moyens ? que les seules périodes de paix et d’unité apparentes que l’on observe sont celles où les partis vainqueurs font peser une telle oppression sur les opinions dissidentes, qu’ils les réduisent au silence ? On se demande en vérité ce que pourraient bien faire les Églises si elles cessaient de se disputer contre les philosophes et les hérétiques, ce qu’elles deviendraient si, au fana-