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prononce même contre son pessimisme, et n’hésite pas à corriger dans le détail ses erreurs scientifiques. Mais il fait avec lui, du cerveau, le sujet de la pensée ; et, de la volonté, la substance universelle.

Sigwart : Le concept du vouloir et son rapport au concept de la cause. Tubingue, Laupp. 1879. Excellente analyse, où le problème de la volonté est éclairé d’une nouvelle lumière, sans que la question métaphysique de la liberté vienne y mêler ses complications.

Gustav Knauer : L’âme et l’esprit (Seele und Geist). L’auteur reprend, pour l’approfondir, une distinction qu’il avait déjà faite dans son précédent ouvrage, Le ciel de la croyance. Il ne veut pas qu’on identifie l’âme et l’esprit (Seele und Geist). Le livre, si remarquable d’érudition et de sagacité philosophique, du professeur Eucken, Histoire et critique des concepts fondamentaux du présent, lui fournit des arguments nouveaux en faveur de la distinction qu’il professe. Non seulement Eucken ne consacre aucun chapitre spécial au mot esprit, et n’insiste qu’incidemment sur l’opposition de la nature et de l’esprit à propos de l’objectif et du subjectif ; mais le mot esprit est pris par lui dans des acceptions si vagues ou si différentes, qu’il est impossible d’en dégager une doctrine définitive. On voit qu’il n’a pas su échapper à l’incertitude du langage usuel. Tantôt il fait de l’esprit le synonyme de l’âme, de la substance psychique avec ses diverses opérations ; tantôt il l’identifie à l’entendement ou à l’intellect, qui n’est qu’un accident particulier de l’âme ; tantôt il le confond avec le penser, avec l’acte même et non plus seulement avec la puissance de l’entendement ; il en fait enfin un principe mystérieux qui plane dans l’ether. Le pluriel et le singulier sont tour à tour employés pour le caractériser. Dans un récent mémoire sur Nicolas de Cus, Eucken ne se montre pas plus heureux que dans son histoire de la terminologie philosophique : il y traduit le latin mens par l’allemand Geist, alors qu’il aurait fallu Intellect ou Verstand. Nous trouvons des fautes analogues, dans l’essai d’ailleurs si intéressant de J.-H. Witte, « La doctrine de la participation subjective de l’esprit dans tout acte de connaissance et l’apriorisme », comme dans l’article de L. Weis sur la philosophie de G. Biedermann comme science des concepts. En résumé, « confusion de ce qui devrait être distingué, confusion de ce qui appartient à l’animal et de ce qui est propre à l’homme, obscurité par suite de la tyrannie du langage usuel, qui fait prendre des mots pour des idées, telle est la marque du présent, toutes les fois qu’on y parle de l’esprit. » Pourtant, au xvie et au xviie siècle, remarque Eucken, on savait distinguer entre l’entendement et l’esprit, et l’on ne traduisait pas indifféremment le latin intellectus par Verstand ou par Geist. Descartes et Spinoza, quelle que soit la valeur de leurs théories psychologiques, gardent encore une certaine précision dans leur langage. Le clair génie de Locke n’emploie pas indifféremment les mots Understanding, Mind, Soul et Ghost. La confusion des idées et des