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développement des mêmes idées dans la Somme de saint Thomas d’Aquin. Ni Bacon ni Descartes ne contestent le principe. Ils admettent également que la nature réalise les fins divines, et que ces fins sont bonnes ; ils se bornent à soutenir que la connaissance de ces fins est interdite à notre science. Leibniz croit, au contraire, que la physique ne peut se passer de la considération des causes finales. Voyons les modifications que Kant fait subir au concept ainsi conservé jusqu’à lui. Il définit la fin : « le concept d’un objet, en tant qu’il contient la raison de la réalité de cet objet ; » ou : « l’effet représenté, dont la représentation est en même temps la raison déterminante des causes intelligentes, qui travaillent à sa réalisation. » Il n’est plus question d’expliquer par la bonté du but l’action de la finalité. Inutile d’insister sur la valeur purement subjective que Kant assigne au concept de fin, ni de nous étendre sur les autres modifications qu’il lui fait subir. La définition kantienne de la finalité avait été préparée sans doute par les analyses de l’école de Wolff. Baumgarten et Meyer, fidèles en cela aux idées de Leibniz, faisaient consister la finalité, qu’ils appelaient encore la perfection, dans la subordination du divers à l’unité. Mais Kant n’identifie pas la perfection ainsi entendue avec le bien. La perfection, disons mieux l’harmonie du divers, fait l’intelligibilité des choses et satisfait notre intelligence ; mais ni l’intelligibilité ni l’intelligence ne sont des biens par elles-mêmes. On peut concevoir l’intelligence au service du mal ; la croyance populaire n’a-t-elle pas depuis longtemps personnifié un tel contraste dans le type de Satan ? Kant a le mérite d’avoir montré que l’ordre n’est pas synonyme de la vraie perfection, et qu’il faut chercher la mesure de cette dernière dans la moralité et non dans l’intelligibilité. Le problème de la finalité des choses devient par là plus compliqué ; mais nous sommes assurés d’être sur la voie qui conduit à la solution.

Vaihinger : La controverse entre B. Erdmann et Arnoldt sur les Prolégomènes de Kant. Vaihinger, poursuivant ses savantes études sur le texte de Kant, entreprend, à son tour, de trancher le débat qui a mis aux prises B. Erdmann et Kant et dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs. Nous ne pouvons que reproduire les conclusions de cette instructive monographie : « Les témoignages extérieurs sont favorables à l’hypothèse d’Erdmann, aussi bien en ce qui concerne l’identité de fond entre l’Extrait et les Prolégomènes que par rapport à l’intervalle de temps écoulé entre la rédaction de la première et celle de la seconde partie des Prolégomènes. Mais ces deux parties sont-elles exactement distinguées dans le détail ? y a-t-il nécessité de les opposer dans l’ensemble, au point de faire croire à une double rédaction ? C’est là une question qui ne peut être résolue que par un examen approfondi de la composition intime des Prolégomènes. Arnoldt n’a pas encore abordé ces deux dernières questions : mais il faut avouer que, s’il n’a pu rien opposer à la solution donnée par Erdmann des deux autres problèmes, il a présenté sur des questions accessoires