Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/619

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
609
F. - R.. — considérations sur la philosophie chimique

a des transitions entre les différents groupes d’êtres, — l’amphioxus entre les invertébrés et les vertébrés, — de même en chimie il y a des éléments de transition entre tous les éléments même les plus divers. Les anciens alchimistes admettaient pour les métaux différents degrés de perfection, le métal le plus parfait étant l’or ; pour eux, dans le sein de la terre, par un mystérieux travail de maturation, les métaux grossiers et vils, tels que le plomb, se rapprochent peu à peu de l’or en passant par des états intermédiaires, comme le cuivre et l’argent ; à l’appui de leur opinion, ils faisaient remarquer que, dans les mines, on trouve la galène (sulfure de plomb) associée très souvent avec le cuivre, et presque toujours avec l’argent[1].

Quoi qu’il en soit, ces transitions ont amené certains chimistes à considérer les différents corps simples que nous connaissons comme les modifications d’une même substance, qui serait la matière unique et primordiale. M. Dumas a soutenu naguère ces idées avec un grand éclat. En effet, sans qu’aucune expérience probante ait donné ce résultat, on peut supposer que, soumis à des actions physiques très violentes, les corps considérés par nous comme simples se décomposent. De même qu’un corps simple se présente sous différents états isomériques, et probablement polymériques, de même il est possible de concevoir que deux corps simples très voisins, tels que le soufre et l’oxygène par exemple, sont des polymères l’un de l’autre. Le phosphore rouge est probablement un polymère du phosphore blanc ; le diamant, un polymère du carbone amorphe, etc. On pourrait aussi considérer le cobalt et le nickel, ayant des atomes de même masse, comme deux isomères. Mais ces hypothèses n’ont été confirmées par aucune expérience bien faite[2]. Bien plus, il semble démontré par des recherches spectroscopiques que, à des températures probablement supérieures à toutes celles que nous pouvons produire, les astres du système solaire et des autres systèmes émettent des radiations de même longueur d’onde que les vapeurs métalliques incandescentes dans nos laboratoires. Il en résulterait que les mêmes corps simples de ce globe terrestre existent dans le soleil et les étoiles, et qu’ils sont dans le même état que sur la terre.

  1. Le dernier représentant de ces théories, à notre connaissance, est M. Tiffereau, qui a publié en 1857 une brochure intitulée : Les métaux sont des corps composés, et qui affirme avoir obtenu de l’or en exposant des dissolutions d’argent à la lumière solaire intense.
  2. M. Lockyer a publié récemment dans les Comptes rendus de l'Acad. des sciences, t. LXXXIX, sept. 1879, une note ayant ce titre : Expériences tendant à démontrer que le phosphore n’est pas un corps simple. Mais il y a lieu de considérer ces expériences de M. Lockyer comme sujettes à de nombreuses objections. D’ailleurs, pour établir un fait de cette importance, l’analyse ne suffit pas ; il faut encore la synthèse, comme le voulait Lavoisier.