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diction dans les termes de ce passage, en cela seul qu’on y mentionne telle chose que le tout achevé d’une suite illimitée. L’illimité ne peut pas être achevé ; en vertu de sa définition même, il est toujours inachevé. La tentative pour lever cette contradiction consiste à prétendre qu’il faut avoir égard à la nature des choses dont on aurait à dire qu’elles forment une synthèse terminée de. parties sans terme. Je réponds en demandant ce qu’on entend par cette nature des choses dont il faudrait partir. Est-ce dans le monde externe qu’on la prend ? Est-ce dans l’esprit ? Si c’est dans l’esprit qui se la représente, il faut évidemment la mettre d’accord avec les lois de l’esprit ; or j’en sais une qui m’interdit de confondre l’indéfini avec l’accompli, la puissance avec l’acte et ce que je pense possible avec ce que je pense donné. Si c’est dans le monde, je ne connais pas d’autre manière de penser une nature dans le monde, que de me la représenter dans l’esprit comme donnée dans le monde, et dès lors je ne dois point me la représenter dans l’esprit en violation des lois de l’esprit. Le second cas rentre donc dans le premier.

Au sujet de l’espace : « Quand, dit encore M. Lotze, en divisant un volume de l’espace, nous avons la certitude de pouvoir toujours et sans limite répéter la division, nous ne savons pas comment l’espace supposé réel s’y prend pour rendre possible ce qui ne cesse de nous paraître mystérieux, mais il n’y a pas de contradiction dans le résultat effectué. » De même pour l’addition de volume à volume : « Comme c’est seulement notre pensée qui passe de l’un à l’autre de ces volumes, dont elle sait qu’ils existent simultanément, l’étendue infinie de l’espace n’est pas moins simultanée. Personne ne contestera jamais l’impossibilité de saisir dans une intuition cette infinité achevée ; mais c’est à celui qui le tenterait que nous imputerions la faute d’essayer ce qui implique contradiction. »

Je réponds qu’il y a là deux suppositions, sous la forme d’une seule. À moins de pétition de principe, l’ « espace supposé réel » de M. Lotze est un espace qui, en outre, a la propriété en soi de déterminer la série interminable des parties de composition que notre pensée envisage en lui, soit progressivement, soit régressivement. Mais qui donc a pu nous dire que l’espace réel venait à bout de ce qui surpasse nos conceptions, et qu’il avait une manière de s’y prendre pour opérer la conciliation des termes contradictoires de notre entendement. L’espace s’en est-il expliqué lui-même, ou bien est-ce nous qui nous plaisons à lui attribuer sans son consentement une si étrange faculté qui nous le rend inconcevable ? De deux choses l’une : ou ces deux suppositions : un espace réel, un espace qui a la propriété en question, sont inséparables ; en ce cas, il s’agirait de savoir s’il y a plus d’incon-