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ANALYSES.w. wundt. Essays.

ou pluralité, un ou multiple ? Est-ce même là des dilemmes où il faille nécessairement choisir ? Toutefois la question (car c’est au fond celle-là) des rapports de notre logique avec la réalité phénoménale n’est pas ici posée expressément et l’éminent auteur laisse maintenant les problèmes cosmologiques pour passer à ceux de la psychologie scientifique.

Il ouvre l’essai Sentiment et représentation par quelques définitions intéressantes. Le Gemüth, nous apprend-il, n’avait pas encore son sens mystérieux et tout allemand dans la langue de Kant et de Schiller ; il y était pris pour synonyme de conscience. Il signifie aujourd’hui la qualité d’être affecté, de sentir ; les dispositions individuelles sont les Gemüthsanlagen, et les émotions s’appellent Gemüthsbewegungen. De même on a longtemps confondu le sentiment (Gefühl) avec la sensation (Empfindung). Puis le mot Gefühl s’est attaché aux états subjectifs de plaisir et de douleur, et il a signifié enfin la plus élémentaire des émotions. Le sentiment s’oppose donc en un certain sens à la sensation (impressions sensorielles directes), et il se distingue, comme partie subjective de la conscience, des représentations, Vorstellungen, qui en sont la partie objective.

Du sentiment et de la représentation, lequel précède ? L’un de ces éléments se peut-il ramener à l’autre, ou sont-ils tous deux premiers et indépendants ? À l’encontre de Herbart, par exemple, qui tire le sentiment de la représentation, Wundt se décide pour l’hypothèse la plus simple et il les présente comme les phénomènes coordonnés d’un seul et même procès interne. L’abstraction psychologique, dit-il, les a séparés, parce que la qualité du plaisir et de la douleur apparaît surtout attachée aux émotions ; mais elle est une qualité essentielle de la conscience, et le ton, le Gefühlston d’une représentation en est un élément aussi original que sa force ou sa qualité. Il n’existe, d’autre part, aucune preuve de la priorité du sentiment, sinon le témoignage d’une observation menteuse, et l’on abuse des données de la physiologie, quand on suppose, par exemple, dans le but d’expliquer le sentiment du rythme, des vibrations nerveuses qui doivent être senties immédiatement pour pouvoir imposer leur propre rythme à la représentation.

À la vérité, il faut bien admettre quelque précédent psychique de la représentation, mais ne rien préjuger sur la nature de ce précédent indistinct. On le qualifierait mieux (Wundt ici passe trop vite) une sensation qu’un sentiment.

Si d’ailleurs nous séparons fictivement de la conscience ses deux contenus, le sentiment et la représentation, c’est que chaque représentation est accompagnée d’un état différent du sentiment, — ce qui nous porte à éviter ou à provoquer, à désirer la représentation. Or, tout dépend ici des dispositions précédentes, qui font que la représentation peut éveiller des états différents du sentiment. Si elle nous donne l’expression immé-