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ANALYSES.w. wundt. Essays.

les animaux, et qu’il est des formes héritées d’expression. Mais les principes auxquels il rapporte les formes d’expression ne sont pas satisfaisants. Les deux premiers reposent sur un même fondement psychologique, l’habitude : or, l’habitude explique tout et n’explique rien ; manger et boire, parler et agir, sont des habitudes ; l’habitude témoigne d’une certaine liaison et ne nous dit pas pourquoi cette liaison existe. Le troisième rattache les expressions à des mouvements du système nerveux provoqués par les excitations. Il conviendrait de formuler plus nettement ce principe, et il est trop commode d’en appeler à la « constitution du système nerveux », qui est une quantité inconnue.

Wundt relève ce fait d’expérience intime : que des sentiments et des sensations semblables se lient. La langue consacre cette liaison ; nous parlons de mélodies douces, d’amère nécessité, de lourd souci, etc. Ces métaphores ont leur raison dans nos sensations. Les mouvements qui expriment la réponse naturelle des organes des sens aux impressions extérieures répondent en même temps aux états de l’âme, en vertu de la relation de ces organes avec les muscles moteurs. Chaque mouvement se traduit aussitôt, en notre conscience, en sensation de tension musculaire, et cette sensation nous donne la mesure exacte, qu’il nous importe tant de connaître, du mouvement exigé pour l’exécution des actes volontaires. Les mouvements mimiques sont dans le même cas ; c’est pourquoi ils éveillent en nous la sensation qu’ils figurent et la peuvent aussi communiquer à autrui. Le mouvement mimique n’exprimait d’abord que l’impression des sens ; il devient l’expression générale de nos sentiments et de nos émotions. Dans la colère et le chagrin, notre bouche trahit par sa grimace le dégoût d’une saveur amère ou acide. En un mot, le mouvement mimique du visage est le réflexe d’un état de l’âme ; il entretient cet état et il y rappelle, en vertu d’une même loi.

La mimique du corps, les gestes sont une deuxième forme qui répond aux représentations (états de conscience). Pourtant la source de cette mimique des bras et des mains est dans les émotions liées à nos représentations. Chaque représentation éveille, plus ou moins faiblement, un sentiment ; et ce sentiment peut s’exprimer par un mouvement mimique de la première classe, qui figure le réflexe d’une impression sensorielle analogue, ou bien il peut indiquer et figurer après coup une représentation par les gestes. Certains gestes sont convenus, ou empruntés aux émotions de la première classe pour passer dans la deuxième. L’orateur anglais ramasse le poing comme dans la boxe ; le conférencier allemand reproduit en parlant le geste d’écrire.

Il est une série de mouvements qui ne se ramènent pas au même principe. Le fait d’aller et venir avec agitation n’apprend, rien sur l’émotion qui vous affecte. Chaque émotion, en effet, est accompagnée d’un ébranlement du système nerveux qui se réfléchit dans les organes du mouvement, et cet ébranlement peut s’étendre jusqu’à les paralyser. Plus modéré, il est une résolution de l’état émotif ; la joie chante et la