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science ; mais notre pensée analyse cette représentation, et les formes synthétiques ont précédé en effet les formes analytiques dans les langues. D’ailleurs ce travail de la pensée produit des arrangements réguliers qui sont distincts des associations ordinaires tout accidentelles. Celles-ci président à la formation des sons simples et composés, et les lois de l’aperception et de la volonté commandent au développement syntaxique du langage. En définitive, le procès associatif nous offre la partie aveugle, involontaire ; l’autre, le côté volontaire, et le langage est en même temps une œuvre de l’art et un produit de la nature.

Wundt a touché, ici et là, à la question de la volonté. Il la traite plus à fond en son onzième essai, Le développement de la volonté. Il combat les théories qui tiennent le vouloir pour une sorte de force nouvelle et surajoutée, distincte de la représentation et du sentiment, qui puiserait dans le magasin à provisions de l’inconscient. On part, dit-il, de cette fausse vue, que la conscience est comme la scène où agit le comédien. Mais elle est la comédie elle-même. Chaque représentation, chaque sentiment est un événement psychologique, et cet événement possède, pour ainsi parler, une énergie de position qui en permet le retour. Il est douteux que des représentations existent sans sentiment, plus douteux encore qu’il existe des sentiments sans quelque représentation. Cette division nouvelle des facultés a faussé surtout notre intelligence de la volonté. Il est impossible de la concevoir sous la figure d’un pouvoir qui se développerait à mesure que des mouvements, d’abord sans règle, seraient aperçus par hasard, puis observés et enfin volontairement utilisés. Comment la volonté remarquerait-elle sa domination, si elle ne l’avait déjà exercée ? On peut montrer bien des cas où l’activité volontaire devient mécanique ; on ne peut montrer des cas inverses. Et c’est même cette nécessité de l’exercice, chez l’homme, qui a trompé. Le monde animal nous montre la volonté plus visiblement liée aux premiers mouvements ; dans les animaux inférieurs, où toute trace d’apprentissage disparaît, on voit tout à fait clairement que la volonté est déjà là avec la sensation et la conscience.

Lorsque Schopenhauer prétend que la pierre qui tombe a une volonté, il donne à ce mot une fausse attribution. Sa volonté inconsciente est aussi un non-sens psychologique, et l’inconscient tient ici la place des états premiers d’où les vieux théoriciens tiraient la volition. La volonté nous est connue comme événement intime, et elle possède comme telle ces deux caractères, qui sont liés aussitôt à la conscience : la sensation de notre propre activité ; la représentation, accompagnée d’un sentiment, de la suite de l’action.

On a eu tort d’attacher le vouloir au choix, lequel suppose au moins deux motifs. Un seul motif suffit pour établir le fait de la volonté. Elle est d’abord l’impulsion instinctive, elle est ensuite l’impulsion volontaire. Notre jugement ne porte que sur les motifs et la conscience de notre liberté répond au fait de choisir. Cette conscience empirique suffit au monde moral. Il ne faut pas confondre la conscience pratique de la