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JOLY.la sensibilité et le mouvement

que l’aptitude à réagir, on comprend sans peine que le mouvement soit dit provenir de la sensibilité ainsi comprise : les deux phénomènes n’en font plus qu’un, et l’on peut les ramener indifféremment l’un à l’autre. Quant à la sensibilité dont le troisième et dernier texte cité nous dit que le mouvement est indépendant, il est clair (et le contexte le prouve) qu’il faut y voir la sensibilité avec conscience, la sensibilité constituée par le plaisir et la douleur.

C’est celle-là que nous avons en vue dans la présente étude. Nous ajouterons que, malgré l’exemple et l’autorité de Claude Bernard, c’est celle-là qu’ont en vue presque tous les physiologistes, expérimentateurs et cliniciens de l’époque actuelle, quand ils traitent des rapports de la sensibilité et du mouvement (on le constatera facilement par toutes les citations que nous aurons à faire)[1]. Nous définirons donc la sensibilité, non pas simplement l’aptitude à réagir…., mais le plaisir ou la douleur dont a conscience l’être vivant, quand il réagit contre les excitations extérieures par des modifications qui lui sont propres. Nous partons ainsi d’un fait psychologique ou de conscience. Quant aux rapports qui unissent ce fait de conscience aux différentes formes du mouvement, c’est aux observations que nous allons recueillir à nous les faire connaître ; nous ne voulons pas les préjuger davantage.

II

Posons-nous d’abord cette question : La sensibilité et le mouvement sont-ils unis d’une manière indissoluble, et varient-ils toujours l’un comme l’autre, dans les mêmes proportions ?

Tous les faits qu’il nous est donné de relever chez les observateurs compétents nous obligent à répondre non !

La clinique est ici particulièrement précieuse, puisqu’elle nous fait voir de quelle manière ces deux manifestations de la vie physique se comportent dans un péril commun de l’économie, autrement dit dans les maladies.

Supposons un nerf blessé par une cause quelconque, compression, refroidissement, blessure par arme tranchante ou arme à feu. La sensibilité et le mouvement y sont habituellement lésés l’une et l’autre ; mais ils peuvent l’être aussi indépendamment l’un de l’autre. On le voit assez souvent, même pour les nerfs mixtes. Puis, quand

  1. Pour les psychologues, c’est chose jugée. Nous n’avons pas besoin de renvoyer au livre si connu de M. F. Bouillier : le Plaisir et la Douleur (V. ch.  i et ii).