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mots, les sons, les syllabes et les mots se suivent dans ma conscience. Je compare ce mouvement de succession à un fil R, qui, comme le montre cette figure, se mouvrait par-dessus une poulie C. Je n’ai jamais devant moi, au premier plan, qu’un point (Rº) du fil ; mais, tandis que Rº arrive au sommet, un autre point R est sur le point d’apparaître. Quand je répète par la pensée « Roland Riese », j’ai, au moment même où je prononce le mot « Roland », le sentiment, indistinct il est vrai, mais perceptible du mot « Riese ».

[Image à insérer]

Comment se fait-il, dis-je, que je puisse me représenter les deux mots en même temps ? Un examen plus attentif m’apprend que je ne me représente qu’un R, à savoir celui du mot « Roland » ; de l’autre mot, je n’ai pu, après un examen des plus attentifs, découvrir en moi que « iese », qui paraissait en même temps que « Roland », mais indistinctement et comme dans l’ombre.

Dans le texte français, le traducteur au lieu des mots « Roland Riese » > choisit « Roland recula » ; sauf ce changement, le texte allemand fut conservé. Il y avait donc dans la traduction française : Quand je pense Roland » et que le mot « recula » m’apparaît en même temps, quoique faiblement ; l’ « r » y manque et je ne vois que. « ecula ». M. Paulhan a de suite saisi ce que cet exemple avait de faible, pour relever que je concédais moi-même pouvoir me représenter deux a en même temps, puisque « Roland » et « recula » ont tous les deux « la » [1].

Mais la possibilité de se représenter deux a en même temps était justement, comme nous allons le voir, ce qui constituait l’essence de notre discussion.

J’ai eu tort d’avoir approuvé les mots « Roland recula » sans ajouter qu’il en était de même de « a » et de « l » que de « r ». J’aurais dû, en evoyant le texte français, examiner par l’observation intérieure, s’il

  1. Il y aurait à remarquer que l’a du mot Roland cesse d’en être un, puisque, suivi de l’n, il forme un son nasal.