Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
revue philosophique

-moteur est diminué, la sensibilité n’est pas pour cela abolie. C’est ce dont il est facile de se convaincre chez les sujets auxquels on administre le bromure à haute dose. Vient-on à titiller la luette de ces individus saturés, pour ainsi dire, de bromure, le contact est senti, mais il ne produit pas ces réactions convulsives, ces efforts de vomissements, en un mot ces réflexes violents qu’on observe en pareil cas chez les sujets normaux et que la volonté elle-même est impuissante à arrêter. Ainsi le bromure est un modérateur du pouvoir excito-moteur, mais il n’est pas, à proprement parler, un anesthésique ; il n’est pas, à plus forte raison, un hypnotique. Son influence hypnotique, qui n’est que très secondaire, est le résultat de la sédation exercée sur les fonctions indépendantes de la volonté et tributaires du mécanisme réflexe : en agissant sur ces fonctions, le bromure supprime les réactions produites par les impressions du monde extérieur ; il prépare au sommeil, il y invite, il ne le produit pas[1]. »

Mais, en sens inverse, il y a des anesthésiques qui, à une période où l’insensibilité à la douleur est déjà tout à fait notoire, laissent subsister les réflexes. Ainsi on voit des évacuations de diverse nature, des vomissements chez des sujets chloroformisés.

Concluons donc qu’on voit tour à tour : 1o les réflexes atteints, diminués ou suspendus pendant que la sensibilité demeure ; 2o la sensibilité suspendue pendant que les réflexes persistent. La sensibilité et le pouvoir excito-moteur manifesté par les réflexes sont deux fonctions étroitement associées dans l’état normal, et cependant distinctes au fond l’une de l’autre. Il n’est plus besoin de démontrer que, de ces deux puissances, la plus fondamentale, la plus ancienne et, dans l’immense majorité des cas, la plus persistante, c’est la puissance excito-motrice.

VIII

Nous venons de donner la preuve complète (à ce qu’il nous semble) que la sensation succède aux deux formes inférieures ou élémentaires du mouvement : le mouvement musculaire et le mouvement réflexe. Dans l’exposé sommaire par lequel nous avions débuté, nous avons indiqué comment elle est, d’autre part, antérieure à la coordination volontaire de ces premiers mouvements. Ici, la preuve ne parait pas difficile à donner, et il suffit d’en appeler en passant à

  1. Mathias Duval. Dictionnaire Jaccoud, art.  nerfs.