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ANALYSES.seth. Scottish philosophy..

être en Écosse un meilleur guide pour les recherches philosophiques, surtout après qu’on y a, pendant longtemps, suivi l’Allemagne. Exposer les critiques, souvent mal comprises, de Reid contre Hume, les comparer avec la réponse de Kant et celle qu’a donnée après lui l’idéalisme allemand, traiter quelques-unes des questions fondamentales de ce débat philosophique, tel est le but que s’est proposé M. Seth.

L’auteur expose, d’après Reid, le développement de ce que Reid appelle l’idéalisme sceptique. Le germe de cet idéalisme apparaît chez Descartes, se transmet en s’accroissant de Locke et de Berkeley à Hume, avec lequel il arrive à son complet épanouissement. M. Seth connaît bien Reid, et il fait même quelquefois des additions heureuses à son modèle. C’est ainsi qu’il remarque avec raison deux directions dans la philosophie de Berkeley, l’une qui en fait le prédécesseur de Hume, l’autre le précurseur de l’Idéalisme que de nos jours on peut appeler rationnel ou spirituel (p. 43). Citons encore ce qu’il dit de Hume « En somme Berkeley n’a fait que servir d’appui et suggérer quelques idées à Hume. Ce dernier se rattache directement à Locke… il est même merveilleux de voir combien peu il a dû transformer la théorie de Locke. Il lui suffit de placer les pensées de Locke d’une autre manière pour que la théorie prenne une face entièrement nouvelle. »

M. Seth adopte complètement sur Hume le jugement de Reid : « Reid, dit-il (p. 66), partage avec Kant le mérite d’avoir fait du scepticisme le véritable caractère de Hume, et de traiter strictement son système comme une reductio ad impossibile des principes philosophiques acceptés… Il eût ouvert de grands yeux, si on lui avait dit que des générations de penseurs anglais prendraient Hume au grand sérieux[1] et accepteraient ses spéculations comme une théorie inductive (a constructive theory). En cela Reid juge mieux que Huxley dont l’étude sur Hume, pleine de talent et d’éclat, est tout à fait insuffisante (extremely unsatisfactory). Il ne faut pas supposer toutefois, ajoute M. Seth, que Hume ait vu la fausseté ou l’insuffisance des principes de Locke et qu’il se soit proposé de les réfuter laborieusement en les amenant à leurs dernières conséquences… Le scepticisme universel est une maladie incurable ; c’est en même temps une position intenable pour l’esprit humain ; il ne peut que servir de transition d’un système à un autre. »

M. Seth est-il bien sûr que Hume ait professé un scepticisme universel ? Et d’abord ne conviendrait-il pas de s’entendre sur le sens de ce mot, qui est devenu, dans les écrits de certains philosophes, une appellation injurieuse qui trop souvent dispense de donner des raisons pour condamner des adversaires ? Il faudrait, une fois pour toutes, reconnaître que jamais un philosophe n’a nié les phénomènes, et dès lors ne plus parler de scepticisme universel. Il faudrait aussi éviter, tout en remarquant que le scepticisme porte uniquement sur

  1. Ces mots sont en français et en italique dans le texte.