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en disant que toutes les idées proviennent de l’expérience. Nous n’avons certes fait aucune expérience touchant le triangle qui aurait et n’aurait pas toutes les propriétés citées ; cela ne peut donc pas faire l’objet d’une représentation[1].

Pour ne pas laisser le doute sur ce que je pense à cet égard, je me suis servi, dans mon livre « Du langage et de la musique », des propres paroles de Berkeley, à l’adresse de Stumpf, et j’ai demandé ce que pourrait bien être un son qui ne proviendrait ni d’une voix humaine, ni d’un violon, ni d’un autre instrument.

Mais, avant de passer à l’examen de cette question, qu’il me soit permis de relever une querelle de mots que me fait M. Stumpf. Il nous dit : Mais le traducteur du livre de M. Stricker a rendu le mot « Klangfarbe » par nuance de sons « et a ainsi prêté la main à l’interprétation de M. Stricker », tandis qu’il aurait dû être traduit par « timbre ». La « Tonpsychologie » de Stumpf a été publiée en allemand, je ne peux guère l’avoir lue dans une autre langue. C’est de ce livre que, en vue de ma polémique, j’ai transcrit la lettre dont il a été question plus haut pour l’ajouter à mon, manuscrit. Ce n’est qu’ensuite qu’elle a été traduite et je n’ai donc pas besoin de prouver qu’elle a d’abord été transcrite, puis traduite, et que, par conséquent, mon interprétation de ce mot a nécessairement du précéder la traduction. Le reproche de M. Stumpf implique donc contradiction, puisqu’il faudrait admettre que l’effet aurait précédé la cause.

Au reste, j’assume la responsabilité de cette prétendue fausse interprétation du mot « Klangfarbe ». Lors de la revision du texte français j’ai proposé « aucune nuance réelle de sons » ; par là, au dire de M. Stumpf, j’aurais péché contre l’esprit de la langue française ; mais, comme on va le voir, cette expression s’adapte parfaitement à l’esprit de la psychologie.

Maintenant, avant de passer au cœur de la question, je communiquerai la phrase la plus importante de la dernière note de M. Stumpf dans le texte original (page 618) : « J’ose dire qu’il y a des sons sans Klangfarbe ». À savoir si l’on désigne avec Helmholtz les sons composés par le mot « Klang » ; les sons simples ont seulement le « Tonfarbe ». Quelque valeur que l’on attache à ces expressions, la chose en elle-même ne présente aucune difficulté. À défaut d’autre, les sons représentés ont du moins la couleur ou le timbre de sons simples.

  1. Je ne regarde pas d’ailleurs les représentations des triangles comme faisant partie des idées abstraites dans le sens que l’on donne de nos jours à ce mot ; mais il n’y a pas à tenir compte de ce détail, comme le lecteur peut s’en convaincre par le texte.