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maintenant aussi qu’on peut se représenter les mélodies sans timbre, mais que la représentation se fait en sons simples. Mais en quoi consistent les sons qu’il appelle simples ? C’est ici que s’établit le conflit entre nous. M. Stumpf regarde probablement comme une offense personnelle que je lui aie dit qu’il n’était pas à même de se rendre compte par l’observation personnelle de la nature des représentations de sons. Moi, au contraire, je regarde ce différend comme historique de sa nature. Si, dans un débat quelconque, je suis d’avis que mon adversaire me contredit parce que son appareil lui fournit des renseignements insuffisants, comme, par exemple, parce que son microscope ne grandit pas assez, il me faut le lui dire ; il n’a pas le droit d’en être blessé ; car, avant d’avoir éclairci cette circonstance, la cause de la différence de vues ne peut être éliminée. Il en est absolument de même en psychologie ; seulement l’appareil d’observation est ici en nous-mêmes, et notre amour-propre se trouve blessé quand on nous dit que notre appareil ne convient pas à certaines expériences. Mais c’est M. Stumpf qui m’a force à expliquer cette circonstance. J’ai voué pendant bien des années la plus grande attention à l’observation personnelle et suis, par là, arrivé à une connaissance précise de l’importance de mes sentiments musculaires. J’ai montré qu’elle avait déjà été saisie par quelques profonds philosophes, par Kant entre autres, si même elle avait été exprimée en d’autres termes et circonscrite d’une autre manière. Maintenant voilà que M. Stumpf vient déclarer que ce que je dis des sentiments musculaires est plus que douteux. Parce qu’il ne trouve pas en lui ce que je décris, il croit avoir le droit d’en contester l’existence ! Je puis l’excuser en faveur de cette circonstance. Il n’est pas naturaliste. Il ne pensait peut-être pas qu’il y a des choses qu’il ne peut pas percevoir et qui, cependant, existent. Il croyait pouvoir résoudre par des règles les questions de psychologie, et contester l’existence de choses dont la nature lui a refusé la connaissance. Il ne me restait à moi d’autre choix que de déclarer incompétent l’appareil de M. Stumpf, si je ne voulais pas renoncer à prendre la défense de mes propres observations.

Voyons maintenant de quelle nature peuvent être les représentations de sons simples de M. Stumpf.

Le fait acquis pendant le cours des quinze dernières années que différentes régions de l’écorce corticale sont douées de différentes fonctions psychiques rentre, selon moi, dans la théorie des énergies spécifiques. D’après cette théorie, tout nerf excité ne peut éveiller dans la conscience que les états correspondants à la spécialité de sa nature. Le nerf visuel ne peut transmettre que les impressions