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PHILOSOPHES ESPAGNOLS

OLIVA SABUCO

(Suite[1].)

On voit dès à présent qu’elle n’a de commun que la hardiesse des vues et l’indépendance de l’esprit avec les deux plus illustres médecins-philosophes espagnols du xvie siècle ; mais elle se tient beaucoup plus près de Huarte que de Gomez Pereira, en tant qu’elle considère les animaux comme des êtres sensibles et passionnels. C’est avec ces idées, alors assez peu communes, qu’elle aborde la grosse question des passions dont le premier dialogue, et le plus important, sur la nature humaine, est un véritable traité, d’autant plus remarquable qu’il n’a rien de dogmatique dans la forme.

Pourquoi les passions, considérées comme causes de maladie et de mort, sont-elles plus fréquentes et plus intenses chez l’homme que chez les animaux ? Curieux problème de psychologie et de pathologie comparatives, qui sera résolu, un siècle après, par Stahl, avec une rare supériorité, dans une thèse mémorable. La solution de l’auteur espagnol est de tout point conforme à la théorie animiste, que Stahl, le plus profond des médecins-philosophes, appelle fièrement la vraie théorie médicale, pour rappeler le titre de l’ouvrage immortel qui renferme toute sa doctrine. Il est étonnant que ce rapprochement ne se soit pas présenté à l’esprit des historiens et des critiques espagnols qui ont bénévolement attribué à dona Oliva Sabuco une influence qu’elle n’a jamais eue, quoi qu’ils prétendent, sur la production et le développement de certaines doctrines philosophiques et médicales, dont les auteurs et les partisans n’eurent jamais connaissance de son ouvrage. L’influence de cet ouvrage, minime en Espagne même, a été nulle à l’étranger.

C’est à l’âme raisonnable et à ses facultés, dont le siège est dans la tête, que l’homme doit le triste privilège de ressentir les funestes

  1. Voir le numéro de juillet de la Revue philosophique.