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GUARDIA.philosophes espagnols

se laisser mourir après avoir perdu leur maître. Les oiseaux qui vivent par couples meurent de chagrin après la séparation : esto se ve cada dia, aunque los naturales no lo escriven. Nombre d’oiseaux meurent de faim en captivité. L’amour non satisfait tue aussi, d’autant mieux que la raison ne peut rien contre cette passion, este afecto de amor no se rige por razon. Dans ce cas, la mort se produit par dessèchement ; les fonctions de l’organisme sont suspendues, et l’absorption de l’âme, tout entière à l’objet de ses désirs, entrave les opérations du corps. Le remède consiste à prévenir la passion ou à la remplacer par une autre : c’est la méthode substitutive.

Le plaisir et la joie peuvent tuer, quand ils sont excessifs ou soudains. L’auteur assure que des sujets, admis à la table du roi, sont morts de plaisir, y por aver cenado á la mesa del Rey nuestro señor, se han viston morir de placer. Ce fait n’étonnera point ceux qui connaissent la ridicule étiquette de la maison d’Autriche. L’expérience prouve qu’il y a péril à donner une bonne nouvelle sans préparation ; les vieillards surtout veulent être ménagés. Du reste, c’est la joie qui entretient la vie et la santé, tandis que l’ennui et le chagrin produisent la maladie et la mort.

L’espérance et le désespoir ont des effets analogues. Beaucoup de gens désespérés finissent par le suicide ; et l’on a vu même des animaux mourir ou se tuer de désespoir. La haine est aussi l’ennemie de la vie ; rien de plus juste ; mais l’auteur se trompe évidemment en soutenant que, de tous les êtres, l’homme est le seul qui haïsse son semblable, selon le vieux proverbe, que les loups ne se mangent pas entre eux ; il reconnaît d’ailleurs qu’il y a des haines naturelles entre espèces différentes ; les exemples qu’il emprunte à Pline sont sujets à caution.

La honte paralyse aussi les facultés ou les fonctions en soutirant une partie du liquide cérébral ; elle peut tuer, quand la perte est excessive ; on voit souvent dans les actes publics des universités, des candidats réduits à l’impuissance par ce sentiment qui fait monter le rouge au visage, chez beaucoup d’enfants et de jeunes gens. L’auteur croit que quelques animaux, par exemple l’éléphant, sont susceptibles de honte.

L’angoisse et le souci n’ont pas des effets moins funestes, bien qu’ils le soient moins que ceux de l’oisiveté : mauvaises digestions, fatigue du corps, vieillesse anticipée. C’est un mauvais bagage qu’il faut déposer avec les vêtements, quand vient l’heure du sommeil. À chaque jour suffit sa peine ; il est imprudent de trop surcharger l’avenir.

La compassion, qui est la sympathie qu’on ressent pour les souf-