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ANALYSES.Intelligence des animaux.

l’opinion vulgaire, si bien défendue par La Fontaine, dans sa fable des Deux Rats, le Renard et l’Œuf ; c’est-à-dire qu’à côté de l’instinct, on fit en eux une place à l’intelligence.

Seulement qu’est-ce que l’instinct ? qu’est-ce que l’intelligence ?

L’instinct est aveugle, inflexible, infaillible, exactement approprié à sa destination ; l’intelligence est réfléchie, dirigeable, sujette à se tromper et à manquer son but. Plus les instincts sont puissants et étendus, plus est réduite la part de l’intelligence.

Mais si les définitions sont faciles, la distinction entre les choses ne l’est pas toujours autant. Déjà Milne Edwards (Éléments de zoologie, les poissons, 906) n’hésitait pas à assimiler l’instinct d’imitation que les poissons manifestent « à un raisonnement simple, il est vrai, mais suivi ». Je cite le passage tout au long : « Ne peut-on pas supposer, dit-il, que ces animaux attribuent la course rapide de leur compagnon à quelque circonstance de nature à les intéresser aussi, à la découverte de quelque danger qu’il veut fuir, ou de quelque appât qu’il court dévorer, et que c’est pour cela qu’ils se précipitent aussitôt à sa suite ? Du reste, n’en est-il pas ainsi partout, même parmi les hommes, et l’instinct d’imitation, qui produit tant de bonnes et de mauvaises actions, n’est-il pas une suite de cette tendance à mettre à profit les résultats des observations ou du jugement d’autrui, et à attribuer aux actions de ceux qui paraissent mus par une impulsion puissante, un but que l’on serait également désireux d’atteindre ? »

C’est là mettre l’instinct sur la même ligne que l’expérience. Dites que c’est de l’expérience accumulée, et vous serez sur les confins du transformisme.

Certes, à parler d’une manière générale, l’instinct est ignorant de son but et absolument déterminé dans sa marche comme dans ses moyens. Mais entre lui et l’intelligence, viennent s’intercaler les mouvements machinaux qui participent de l’un, en ce qu’ils se font sans conscience, de l’autre, en ce qu’on les a appris. Et de là on arrive sans à trop de peine, étant donnés les axiomes darwiniens sur l’hérédité, regarder l’instinct comme une sorte d’habitude transmise par voie de génération.

Voilà l’instinct défini d’une façon à peu près satisfaisante. Reste l’intelligence. L’intelligence des animaux est-elle semblable à la nôtre à tous égards ? Ici les divergences recommencent.

Le petit livre que nous avons sous les yeux n’a pas pour but ni pour résultat de trancher cette question. Il nous montre que les animaux, généralement ceux qui nous sont le plus familiers, le chien, le chat, l’âne, le mulet, les oiseaux, les fourmis, voire les tritons et les mouches, placés dans des circonstances données, se conduisent avec un semblant de calcul et de raisonnement, en un mot, agissent ou semblent agir comme nous le ferions nous-mêmes en pareil cas. On peut dire qu’il défend une thèse chère à tous ceux qui sont susceptibles d’affection