Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
38
revue philosophique
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

dire que l’excitation nouvelle amène une certaine décharge de mouvement ; mais en outre elle modifie la forme de la réaction, étant différente de la première excitation à la fois par sa nature et par son siège.

Lorsqu’une excitation quelconque est portée sur une partie si limitée que ce soit du corps, il en résulte, grâce à la continuité du protoplasma, une modification universelle de l’état vibratoire et de la sensibilité du sujet. Toute excitation, toute représentation mentale fait vibrer à l’unisson le système nerveux tout entier et il en résulte un état dynamique spécial. Quand des rayons rouges impressionnent notre œil, tout notre corps voit rouge, comme le montrent les réactions dynamométriques ; lorsque nous prononçons un mot tous nos muscles ont une tension appropriée ; il en est de même dans toutes les émotions, c’est un fait que j’ai déjà rappelé précédemment. Une nouvelle excitation qui ne s’additionne pas à la première, modifie nécessairement la réaction qui en était résultée et tend à diminuer l’intensité de la sensation.

On peut citer des exemples qui montrent qu’une idée ou une volition peuvent disparaître, soit par épuisement, soit par interférence. C’est un fait bien connu que certains dégénérés, dits aliénés héréditaires, après avoir poursuivi une idée avec une énergie extraordinaire pendant des années, deviennent incapables, lorsque toutes les difficultés ont été aplanies, de saisir l’objet de leurs longues convoitises ; ils ont trop voulu, ils ne peuvent plus vouloir. Plus souvent les idées et les volitions disparaissent par interférence ; nous n’épuisons pas nos idées, nous les chassons en en évoquant d’autres.

L’effet de l’inhibition est souvent définitif. Si on a suggéré à B… la vue d’un oiseau et qu’on la soumette à une excitation cutanée un peu forte, l’hallucination disparaît pour ne plus se reproduire quand l’excitation cesse. Lorsqu’il s’agit d’une impulsion motrice, il en est de même. Je lui suggère de plier des papiers : elle se met à l’œuvre ; je lui serre fortement le genou gauche, elle s’arrête, et non seulement elle ne peut plus vouloir plier les papiers, mais au bout d’un instant elle les jette avec une expression de dégoût et refuse de les ramasser. Lorsqu’on lui demande l’explication de cet acte, elle répond : « Je ne sais pas, ils me déplaisent. »

Ce dernier mot mérite d’être relevé, car il trahit le commencement d’une idée délirante qui se développe consécutivement à l’impuissance d’agir. On voit le même phénomène se produire chez certains épileptiques qui cherchent à expliquer un acte impulsif dont ils n’ont d’ailleurs aucun souvenir[1] ; il se reproduit encore à la suite des impulsions provoquées chez les somnambules :

En compagnie de M…, qui est entré ce jour-là pour la première

  1. Ch. Féré. — Note pour servir à l’histoire des actes impulsifs des épileptiques Revue de Médecine, 1885, p. 131).