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ANALYSES.b. pérez. La psychologie de l’enfant.

lution, soit au dégénéré ou au criminel-né, atteints de causes particulières d’hérédité régressive ou morbide. Ses études et celles du même genre n’en offrent pas moins, sous le rapport de l’évolution, un intérêt tout spécial que certains philosophes ont trop négligé de faire valoir. La psychologie de l’enfant ne peut se passer, et tout le monde l’accorde, de celle de l’adulte ; mais cette dernière resterait incomplète et ne nous fournirait aucune information sur la race, si elle n’empruntait à celle-là des données particulières, et « ce que la nature de l’homme a d’universel » se révèle dans l’enfant comme dans l’adulte, dont on ne disjoindrait pas l’étude sans grave dommage.

L’intérêt de ce genre de travaux sera donc de nous mieux instruire du fonctionnement de nos facultés, en nous montrant comment elles se forment, dans la mesure où l’observation extérieure, bien entendu, nous permet de le comprendre. La matière de l’ouvrage de M. Pérez est distribuée en effet de manière à répondre à cet intérêt plus général. La mémoire et l’association, l’imagination, l’attention, l’abstraction et la généralisation, les inférences (jugement et raisonnement), les sentiments, la volonté y sont les grands faits inscrits en tête des chapitres. Ce sont là, du reste, de simples formules de classement, aux-quelles M. Pérez n’attribue pas une valeur strictement scientifique. Il serait porté plutôt à restreindre le nombre des facultés mentales, loin de l’accroître, et nous le voyons déjà, dans cette table des matières, réunir la mémoire à l’association des idées, la généralisation à l’abstraction, le jugement au raisonnement. Le lecteur lui saura gré de mettre la question d’ordre et de clarté avant ses préférences de philosophe évolutionniste. Imitons-le et demandons nous-même au lecteur la permission de glisser, sous chacune de ces rubriques répondant à ce qu’on appelle les facultés de l’esprit, des notes courantes, qui donneront une idée exacte, sinon complète de l’ouvrage.

Mémoire et association. — La mémoire, a dit M. Ribot, a pour condition l’oubli, et M. Pérez ajoute un oubli plutôt apparent que réel. Qu’advient-il de ces souvenirs supplantés de mois en mois, de semaine en semaine, par de nouvelles impressions ? Il faut avoir suivi de près le développement mental d’un enfant pour les reconnaître dans leurs brusques réapparitions.

M. Pérez cite ce cas de reviviscence singulière : Une fillette de trois ans et demi, revenant au village de sa nourrice, qu’elle avait quitté à l’âge de vingt mois, se rappelle fort bien l’aspect et l’emplacement de la maison ; à un second voyage, trois ans après, elle hésitait à la reconnaître, mais ce souvenir local se trouva fixé ensuite dans sa mémoire. De même un autre enfant, âgé de six ans, se souvenait d’événements de la seconde année, qu’à l’âge de quatre ans il paraissait avoir oubliés.

M. Pérez pense pouvoir rapporter à la première année ou au commencement de la seconde le souvenir pour lui terrifiant d’une ignorante et grossière bonne qui le tint un moment suspendu en dehors de la