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LA CONSCIENCE DE SOI


I

On a appelé conscience le pouvoir que nous aurions de nous connaître nous-mêmes.

Avons-nous réellement un tel pouvoir ? — À en croire certains psychologues, cela ne fait pas question. La conscience me donne immédiatement connaissance de tout ce qui se passe en moi. Quand j’éprouve une souffrance, je sais que je l’éprouve ; et il y aurait contradiction à ce que cette souffrance passât inaperçue : si elle n’était pas connue, elle ne serait pas sentie, elle n’existerait pas. Les phénomènes psychologiques sont donc conscients par nature, on pourrait dire par définition. — Ce n’est pas tout. Avant même d’accomplir un acte, je sais que je vais l’accomplir. Qu’est-ce que cette prévision de mes actions futures, si ce n’est l’intuition du pouvoir dont je dispose actuellement ? Ainsi mon âme a conscience, non seulement de ses actes, mais encore de ses facultés. Et cela est encore nécessaire ; car si je ne me connaissais pas ce pouvoir, je ne l’exercerais pas. — Enfin il est impossible que le Moi ne connaisse pas sa propre essence. Quand il s’agit des objets extérieurs, on comprend que je n’en prenne qu’une connaissance incomplète et superficielle. Mais quand il s’agit de moi-même, ce n’est plus la même chose. Ici, le sujet pensant ne se met pas seulement en rapport avec l’objet pensé : il ne fait qu’un avec lui ; il est cet objet même. La connaissance que nous avons de nous-mêmes est donc la plus intime, la plus profonde, la plus certaine qu’il nous soit possible d’acquérir. Si je connais quelque chose au monde, c’est moi.

Il est pourtant permis de conserver quelques doutes. Si la conscience nous parle si nettement, s’il nous est si facile de savoir ce que nous sommes, comment expliquer que la science de l’âme humaine soit encore si peu avancée ? Bien des problèmes psychologiques attendent encore une solution. Sommes-nous matière ou esprit ? Sommes-nous vraiment libres ? Y a-t-il des phénomènes psychologiques incon-