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LE DEVOIR ET LA ET LA SCIENCE SCIENCE MORALE

(1er article.)

Le sentiment de l’obligation morale, l’idée du devoir, et l’influence que ce sentiment et cette idée exercent sur nos actes sont des phénomènes psychologiques que l’on peut étudier comme tels, et dont on peut rechercher scientifiquement la nature et l’origine, l’évolution et la disparition. À côté de cette recherche qui concerne la science du réel, il y a place pour une autre qui relève de la science de l’idéal, c’est-à-dire, ici, de la morale. Il ne s’agit plus, en ce cas, de savoir ce qu’est notre idée du devoir ou notre sentiment de l’obligation, mais de savoir quel est réellement le devoir, et quel rôle peut jouer la représentation mentale de ce devoir, ou les sentiments qu’il inspire, dans la construction idéale d’une humanité morale.

Les deux problèmes sont complètement différents bien qu’ils soient étroitement reliés. La science morale est à la psychologie de la volonté, ce que la logique est à la psychologie du raisonnement, ce que l’hygiène est à la physiologie. Ici, il s’agit de rechercher ce qui est réel, là de rechercher ce qui est bon. C’est pourquoi, ni la psychologie, ni ce qu’on a appelé la physique des mœurs ne suffisent pour constituer une morale. Je ne crois pas devoir donner une démonstration bien longue de ce fait qui ne me paraît présenter aucune difficulté, bien qu’il paraisse encore ne pas être universellement reconnu.

De même une théorie du réel, si vaste qu’elle soit, par exemple la théorie de l’évolution, ne peut, à elle seule, constituer une morale. Une philosophie et une morale sont des choses tout à fait différentes ; une conception du monde, tel qu’il est, ne peut nous renseigner pleinement sur ce qu’il devrait être, pas plus qu’une connaissance complète de l’anatomie et de la physiologie ne nous dirait si nous devons ou non nous bien porter. La science du réel fournit des indications pour atteindre le but proposé par la science de l’idéal, mais c’est tout ce qu’elle peut faire. L’anatomie, la physiologie, la pathologie, peuvent nous renseigner sur les circonstances