Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
484
revue philosophique

de passions ou de tendances inconscientes. Mais si les actes au lieu d’être accomplis sont seulement imaginés, ils apparaissent comme devant être accomplis ; si nous acceptons les prémisses, ils se présentent à nous avec un caractère d’obligation tout à fait analogue à celui que revêt une simple conclusion logique.

Nous avons vu, il me semble, le phénomène général d’où dérive l’obligation morale. On remarquera qu’il ne s’agit ici ni de la pression d’un instinct comme l’instinct social dont Darwin fait dériver la conscience morale et le remords, ni d’une abstraction des expériences de plaisir et de peine, ni des influences de l’autorité qui s’exerce dans une tribu. Il ne s’agit que du corrélatif psychique d’un cas particulier de cette tendance que possède l’organisme d’offrir un fonctionnement harmonique tendance qui est la base même et le fondement essentiel de la vie. Il n’y a pas de vie sans une certaine organisation, et il n’y a pas d’organisation sans une certaine systématisation plus ou moins compliquée, plus ou moins permanente, des parties de l’être. L’esprit reposant sur l’organisme présente de même forcément une certaine organisation plus ou moins développée qui se traduit subjectivement par des phénomènes psychiques plus ou moins logiquement enchaînés. C’est là ce qui permet de trouver un certain mode de raisonnement, de raison, si l’on veut, dans toutes les manifestations de la vie psychique. C’est cette tendance à l’organisation qui, lorsqu’elle est aperçue par le sujet, donne lieu selon le caractère plus ou moins réfléchi du sujet au sentiment ou à l’idée de l’obligation. Ce sentiment et cette idée sont unis sans doute à la pression exercée par un sentiment ou une tendance, mais à condition que ce sentiment ou cette tendance se rattachent logiquement à des tendances acceptées par le sujet, à des tendances qui font partie intégrante de sa personnalité, et qui ont une certaine activité plus ou moins reconnue, au moment où le sujet éprouve le sentiment de l’obligation.

La preuve se trouve facilement dans un grand nombre de faits que l’on peut journellement observer. Quand nous nous trouvons dans certaines circonstances, ces circonstances réveillent en nous certaines tendances combinées, et, s’il se présente une occasion d’agir nous nous sentons obligés d’agir conformément aux tendances principales qui ont été mises en jeu.

Si, dans d’autres circonstances, ces tendances disparaissent et sont remplacées par d’autres, nous nous considérons comme obligés d’agir d’une manière tout à fait différente. De même des personnes différentes en qui dominent des tendances opposées se sentent obligées d’agir de manières différentes. Remarquons qu’il ne s’agit