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égale à 0mm,1 deviendraient distincts, à la suite d’une suggestion, pour un sujet endormi ; et le plus simple eût été de lui présenter une page imprimée, réduite par la photographie à 1/33 environ de sa longueur. Nous n’avions pas à notre disposition une photographie de ce genre, mais des expériences au moins aussi concluantes qu’eût été celle-là sont venues nous révéler chez le jeune L…e (le plus habile de nos sujets à deviner les nombres) une hyperesthésie si remarquable de la vue que nous sommes décidés à la mettre à profit pour des recherches ultérieures. Nous lui avons montré d’abord une photographie microscopique représentant les membres d’une société savante d’Angleterre. Cette photographie a la forme d’un rectangle dont le plus grand côté mesure 2mm environ ; une douzaine de personnes y figurent, assises ou debout autour d’une table. L…e a pu nous les décrire l’une après l’autre et mimer leurs attitudes ; j’avais commencé par lui suggérer cette idée que la photographie en question avait la dimension d’une feuille de papier ordinaire, et il la voyait très grande en effet. Nous lui mettons ensuite entre les mains une préparation de tissu épidermique d’orchis, dont les cellules ont été colorées, ainsi que leurs noyaux, au rouge d’aniline. Le diamètre de ces cellules ne dépasse pas 0mm,06 ; c’est dire qu’elles ne sauraient devenir visibles, ni surtout présenter une forme distincte, sans un grossissement considérable. Nous nous abstenons naturellement de fournir à notre sujet la moindre indication sur ce que porte la plaque de verre ; nous nous bornons à lui ordonner de regarder attentivement l’image, de la voir très grande, et de la reproduire ensuite sur une feuille de papier. Après un examen minutieux, L…e dessina des cellules à peu près hexagonales, telles qu’on les voit au microscope, un peu plus régulières cependant. Ces expériences n’ont pas été assez précises pour nous permettre de déterminer le grossissement maximum dont notre sujet est capable, mais elles prouvent surabondamment que la lecture d’un chiffre d’une hauteur de 0mm,1 environ est une opération qui ne présente aucune difficulté pour lui dans le sommeil hypnotique. Nous croyons donc avoir démontré que la prétendue lecture du livre ou de la pensée se fait en réalité sur la cornée de l’hypnotiseur.

Or, voici le point sur lequel nous désirons attirer l’attention de ceux qui s’occupent d’hypnotisme en général, et de suggestion mentale en particulier. Dans le cas que nous venons de citer, les sujets lisaient sur notre cornée les nombres ou les mots qu’ils étaient chargés de deviner, et affirmaient néanmoins qu’ils les voyaient dans le livre, où M. V… leur avait primitivement ordonné de lire.