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bagatelles ; le mari continua cependant à nourrir tous les matins ses oiseaux, dans la chambre de sa femme. Sur ces entrefaites, la malade donna le jour à un bel enfant, qu’elle voulut nourrir et pour lequel elle ressentit toute l’affection dont une mère est capable. Après trois mois d’allaitement, un jour, le regard de la malade tomba sur les ciseaux dont son mari se servait pour couper la viande de ses oiseaux. L’idée lui vint aussitôt qu’avec ces ciseaux on pourrait couper la langue à son enfant ; cette image devint obsédante, et bientôt la malade pensa qu’elle pourrait bien exécuter cet acte. Dans les premiers temps, cette idée ne s’éveillait en elle que lorsqu’elle voyait la bouche de son enfant s’approcher de sa mamelle, ou lorsqu’elle voyait son mari continuer les ciseaux à la main sa fastidieuse opération. L’idée fixe s’imposait alors à son esprit, et suspendait toutes ses autres pensées. Mais bientôt, il n’était besoin d’aucune sollicitation extérieure pour réveiller l’idée fixe. La malade, fort intelligente, se rendait compte de l’absurdité de cet acte et même de son caractère odieux ; elle essaya de se distraire ; théâtre, lecture, voyages, travail assidu, rien n’y fit. L’idée fixe se présentait sous forme de crises. D’abord, éveil automatique de l’idée, puis le doute, la crainte de ne pas pouvoir résister à l’impulsion, puis l’angoisse de la lutte, accompagnée de battements de cœur, et un besoin frénétique de mouvements ; puis des sueurs marquant la fin de l’accès.

Cette malade n’avait aucun antécédent héréditaire connu ; l’examen objectif ne donna que des résultats normaux ; il y avait seulement une hyperesthésie générale, rendant la malade sensible aux moindres bruits, excitable par la lecture des romans et par le théâtre, et sensible presque jusquà la douleur pendant les rapports conjugaux, De plus, la malade paraissait peu capable d’attention. Un traitement énergique, dans lequel tenait la première place l’isolement, amena la guérison.

Le fascicule IV contient encore un curieux travail de Fano et Laurie sur la psychologie des lobes optiques chez les tortues palustres, une revue générale de Guicciardi sur la psychologie et la psychiatrie, et enfin les comptes rendus du onzième congrès de l’association médicale italienne, et du premier congrès international d’anthropologie criminelle à Rome.

A. B.