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sédé une telle exubérance d’imagination, ou, pour être plus exact, d’amplification.

Résumant ce que nous avons dit dans cet article des caractères communs à la majorité des Hindous, nous pouvons avancer que la masse de la population n’est pas inférieure à la masse correspondante des populations européennes, mais que la première ne possède pas, comme la seconde, un certain nombre d’esprits supérieurs ; que le peuple hindou est en majorité totalement dépourvu d’énergie, de persévérance et de volonté ; qu’il est divisé en une série de castes formant des milliers de groupes, représentant chacun une nationalité différente dominée par des intérêts différents. Des conditions semblables suffisent à expliquer le rôle que l’Inde a joué dans le monde et celui qu’elle est appelée à y jouer encore. Esclave éternelle, elle est fatalement condamnée à toujours obéir à des maîtres étrangers.

Limité étroitement par l’espace dont je dispose dans cette Revue, j’ai dû me borner forcément, dans ce qui précède, à des indications générales, renvoyant le lecteur, pour les détails, à mon ouvrage : Les Civilisations de l’Inde[1]. J’ai supposé d’ailleurs le problème résolu, mais je n’ai pas indiqué les moyens de le résoudre. J’ai esquissé sommairement, en effet, la constitution mentale de l’Hindou, ou du moins d’une certaine classe d’Hindous, sans parler des moyens à mettre en action pour arriver à découvrir cette constitution mentale. Il y aurait là ample matière à un second article, mais j’épargnerai la patience du lecteur et me bornerai à indiquer en quelques lignes les méthodes d’étude dont je fais habituellement usage.

La première de ces méthodes consiste naturellement dans l’observation systématique des individus au milieu desquels on vit. Je dis : observation systématique, car ce n’est que par une série d’observations judicieuses qu’il est possible d’arriver à connaître les traits principaux de la psychologie des individus que l’on fréquente. En attendant un questionnaire qui sera, pour l’étude de la psychologie comparée, ce qu’est le thermomètre pour le physicien, c’est à chacun de se faire ce questionnaire. Il peut tenir aisément en six pages, mais ces six pages n’auront chance de valoir quelque chose que si leur auteur a d’abord consacré une quinzaine d’années à aller observer les différents peuples du globe. Sur ces quinze années, il en emploiera bien dix, d’ailleurs, à tâcher de se déshabituer de penser

  1. Un vol.  in-4o de 750 pages, avec 350 gravures en noir et en couleur, d’après les photographies et les aquarelles de l’auteur. (Librairie Firmin-Didot).