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ARRÉAT.sexualité et altruisme

comprendre l’existence de telles affections affranchies de l’appétit, mais où toute influence de l’instinct ne serait pas, malgré cela, effacée.

L’étude des anomalies sexuelles, chez les aliénés héréditaires ou dégénérés, a permis, en effet, de reconnaître plusieurs moments en une fonction qui se montre une et simple à l’état normal. Ces malades[1] se distribuent en quatre groupes nettement tranchés, selon que l’impulsion sexuelle apparaît : chez les spinaux, un simple réflexe placé sous la dépendance exclusive du centre génito-spinal de Büdge ; chez les spino-cérébraux postérieurs et antérieurs, un réflexe sortant de l’écorce cérébrale, soit postérieure, soit antérieure, pour aboutir à la moelle ; et enfin chez les cérébraux antérieurs ou psychiques, un réflexe partant du centre d’idéation, sans que la moelle se trouve intéressée. On voit, chez les simples spinaux, l’orgasme génital se produire spontanément, sans manœuvres extérieures, sans influence morale d’aucune sorte. L’excitation s’étendant à la région postérieure du cerveau, la vue d’un homme jeune ou vieux, laid ou beau, suffit à éveiller, chez une femme, un besoin purement physique, que n’apaise ni la cure ab homine ni la résistance de la malade à l’excitation dont elle souffre : et ces faits attestent l’existence d’un centre localisé des réactions réflexes nécessaires à l’acte physiologique, en même temps que les rôles distincts, dans la fonction totale, de l’idée morale et des réflexes. Puis la région cérébrale intervient et reprend la direction fonctionnelle, mais l’exerce mal. On voit l’homme porté vers l’homme, la femme vers la femme, comme si, remarque Magnan, le cerveau d’une femme se trouvait dans le corps d’un homme et le cerveau d’un homme dans le corps d’une femme.

Interprétées au sens de Lombroso (L’uomo delinquente), c’est-à-dire comme un arrêt de développement, ces inversions ne signifieraient-elles pas aussi que l’impulsion sexuelle, en tant que fait primitif, est indépendante de la reconnaissance du sexe ? Un enfant ne distingue pas d’abord le sexe, et ses sympathies les plus vives, ce qu’on pourrait appeler, sans équivoque, ses premières amours, sont éveillées par des attraits sensibles, qui sont indépendants de la marque mâle ou femelle, mais non pas sans doute de la sexualité comme force d’expansion spontanée et vague.

À l’autre bout de cette série ouverte par les spinaux simples, se

  1. Je prends les faits au point où M. Magnan en a su porter l’étude. Voir sa brochure : Des anomalies, des aberrations et des perversions sexuelles, P. Delahaye, 1885. — Voir aussi l’article de E. Gley, Des aberrations de l’instinct sexuel, dans la Revue philosophique de janvier 1884.