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ARRÉAT.sexualité et altruisme

qu’avec le progrès des espèces. « Il est remarquable, j’emprunte encore à Houzeau cette observation, que la sollicitude du mâle pour les jeunes animaux de son espèce paraît purement subordonnée à l’amour conjugal » ; et cet amour est nécessairement plus marqué dans les espèces monogames. En l’état de nos mœurs, le père est jaloux de sa fille, plus encore que la mère n’est jalouse de son fils ; quand il la marie, l’agression du mâle est un fait brutal dont il la voudrait garder et dont la pensée le rend quelquefois très malheureux. La violence peut être subie à regret, comme une nécessité. Il est des femmes, par exemple, qui se dispenseraient volontiers de subir l’homme, dès qu’elles ont l’enfant. On a observé souvent la crainte d’être mères, chez des femmes sensuelles (telle M. Zola a peint la Christine de son dernier roman, L’œuvre), et l’ardeur du sentiment maternel chez d’autres femmes qui ne sont pas sensuelles.

Les petits enfants sont déjà sensibles au plaisir du toucher. Le sein de la jeune mère se gonfle, se fait beau, comme pour fêter la venue du nouveau-né, et le nourrisson éprouve, sans doute quelque jouissance au contact de la peau satinée et chaude. Un nouveau-né, observé par M. Espinas (Annales de la faculté des lettres de Bordeaux, 5o année), suce le biberon avec autant d’avidité qu’il sucerait le sein. L’appétition de la nourriture, avec les mouvements appropriés pour la saisir, est en effet « le fonds primitif » ; mais ces mouvements sont ordonnés d’une manière bien remarquable. L’enfant, dès le premier jour, tend la tête en bâillant vers la poitrine de la personne qui le tient, « cherchant le sein sans doute » ; il répète, pendant plusieurs semaines, ce mouvement vers le sein, bien que jamais la nourriture ne vienne de ce côté, et ses mains « sont ramenées l’une en face de l’autre, pour saisir le biberon, comme pour saisir le sein ». À l’hérédité qui a préétabli ces mouvements est peut-être due aussi, hasarde M. Espinas, « le sourire automatique de la bouche », surpris dès le quatrième jour chez son nouveau-né, et la doctrine que j’examine ici ne s’interdirait pas non plus d’y recourir, en un besoin extrême, pour compléter Bain.

L’observation suivante convient seulement au quatrième mois (12 mars-21 juin) du sujet de M. Espinas : « Étant dans son berceau bas, la sœur de dix-huit mois est venue le caresser ; il l’a reconnue en quelque sorte, l’a laissée lui prendre la main et a ri tout le temps qu’elle la tenait, d’un air tout à fait content. » De jour en jour, le plaisir de l’embrassement acquerra plus d’énergie. « Crispons-nous », disait un enfant de deux ans, observé par M. Pérez (Psychologie de l’enfant, les trois premières années), à une personne amie, en l’étreignant fortement. J’ai cité, de mon côté, l’exemple d’une fillette de