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les assistants sont neutres, et n’ont d’autre influence sur le sujet que celle qu’il plaît au magnétiseur de leur laisser prendre, ce qui revient à dire, pour me servir du mot employé d’ordinaire, qu’il est en rapport magnétique avec son magnétiseur seul, ou bien (et cela seulement pendant le cours d’une même expérience) avec son magnétiseur et ceux des assistants avec lesquels il plaît à celui-ci de l’y mettre. Pour obtenir ce résultat, le magnétiseur empirique ne fait que de l’hypnotisme par suggestion, mais ses premières suggestions sont persistantes et dominent toutes les autres. Il commence, avant toute manœuvre hypnotique, par convaincre son sujet de bonne volonté qu’il va le « magnétiser ». Ce mot magnétiser signifie pour le patient quelque chose de vague, de merveilleux, un état surnaturel dont un sommeil spécial n’est que la première phase. Dès le début, le sujet s’attend à tout en même temps qu’il se livre tout entier. Après quelques hypnotisations, le magnétiseur lui suggère, pendant le somnambulisme, qu’il ne pourra dorénavant être endormi par aucune autre personne que lui-même, et pour donner à cette suggestion plus de corps et de force, l’opérateur l’appuie souvent sur un souvenir matériel. Il donne à son sujet un talisman, bague, boucle d’oreilles, pièce de monnaie ou autre petit objet, lui ordonne de toujours le porter sur lui et lui suggère que, tant qu’il en sera possesseur, il ne pourra en aucun cas être magnétisé par aucune autre personne que celle dont il le tient. Beaucoup de magnétiseurs de profession, jaloux de rester maîtres de leurs sujets, renouvellent cette suggestion à chaque séance, avant de les réveiller. Cette suggestion, que j’appellerai suggestion fondamentale en raison de son importance, domine toutes les autres et donne à l’opérateur une influence exclusive sur le patient, tant qu’elle s’exerce. Celui-ci, véritable machine, mais machine spéciale, ne pouvant être manœuvrée que par un seul mécanicien, appartient en propre au magnétiseur, qui en fait absolument ce qu’il veut. On comprend bien dès lors que le somnambule, suggestionné constamment par la même personne, arrive aisément à comprendre les suggestions à demi-mot. Le dressage atteint une perfection extrême. La suggestion mentale proprement dite n’est pas toujours possible chez le sujet ainsi éduqué, mais l’hypnotiseur peut presque constamment obtenir des faits qui du moins s’en rapprochent singulièrement, et peuvent même être considérés comme le premier degré de cette forme de la suggestion.

J’entends parler de l’influence apparente de la volonté de l’hypnotiseur sur l’hypnotisé, de ce que les magnétiseurs appellent le rapport magnétique. Ces faits sont beaucoup plus faciles à observer que la suggestion mentale vraie, et tous les observateurs qui les ont constatés ne doutent en aucune façon de leur réalité. Lorsque cette influence personnelle de l’hypnotiseur sur son sujet s’est une fois manifestée, elle est constante, ou tout au moins durable, et l’hypnotiseur, aussi bien que le sujet éveillé et les témoins des expériences, peuvent toujours la constater très nettement. M. J. Héricourt a rapporté, à la Société de psychologie