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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Le P. Th. de Régnon. La métaphysique des causes, d’après saint Thomas et Albert le Grand. 1 vol.  in-8o. 770 p. Paris, Retaux-Bray, 1886.

Cet ouvrage, dû à la plume d’un membre distingué de la Compagnie de Jésus, est un produit du mouvement catholique suscité par l’encyclique. Æterni patris. L’auteur s’y est proposé, moins de faire une œuvre personnelle, que de restaurer et de systématiser les enseignements de la métaphysique scolastique sur les causes. Il ne faudrait pas cependant voir dans cet ouvrage une œuvre purement historique. L’historien ne fait qu’exposer les pensées des autres sans autre préoccupation que la réalité de ces pensées ; le P. de Régnon se propose un tout autre but. Il s’inquiète moins de savoir ce que tel ou tel philosophe a réellement pensé que d’exposer ce qu’il y a d’incontestablement vrai dans ce que les maîtres de la philosophie scolastique ont enseigné. Ainsi il fait œuvre de philosophe plus encore que d’historien. Seulement il ne veut pas ajouter quelque chose de lui-même à l’enseignement de ses maîtres, non qu’il croie impossible d’y rien ajouter, mais parce qu’il ne se propose ici que de faire connaître l’enchaînement systématique et la portée des propositions qu’ils ont enseignées. Si on venait à l’accuser d’un respect trop grand et absolu pour la parole et l’autorité d’autrui, il répondrait : « L’autorité d’un grand maître est, certes, une puissante garantie. Son enseignement guide notre raison et dirige notre pensée, et cela suffit pour qu’on puisse dire que le maître cause la science dans le disciple. Mais, ajoute saint Thomas, chacun lient de Dieu seul la certitude de la science, puisque c’est lui qui nous a infusé cette lumière de la raison, par laquelle nous connaissons les principes d’où procède la certitude de la science (p. 15). Et il citerait encore ces paroles d’Albert le Grand : « Si quelqu’un est attaché à une fausse opinion par l’autorité ou l’amour de ceux qui l’ont formulée, pour le guérir il faut lui faire remarquer que ces hommes d’antique autorité n’étaient pas des dieux, mais des hommes, et qu’ils ont pu se tromper[1]. »

D’après le sous-titre de l’ouvrage, on aurait pu craindre que l’auteur se contentât d’exposer les théories d’Albert le Grand et de saint Thomas

  1. Albert le Grand, Métaphysique, I. IV, tr. 3. c. 2.