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que nous avons sur la morphologie des êtres microscopiques sont tout à fait relatives, et dépendent de l’état de la technique. Lorsqu’on songe que l’existence d’un noyau est restée longtemps inaperçue chez des êtres qui sont plusieurs centaines de fois plus gros que les bactéries, on ne doit pas être étonné qu’on n’ait pas réussi à le constater chez ces dernières.

D’ailleurs, on peut même aller plus loin et mettre en doute l’existence matérielle d’un corps formé uniquement de protoplasma, en se fondant sur les expériences de Gruber, de Nussbaum, de Balbiani, que j’ai rapportées dans mon travail, et sur les expériences plus récentes de Klebs qui sont en accord parfait avec les précédentes. Ces différents observateurs ont montré que le noyau est un élément essentiel à la vie de la cellule, et que lorsque, par une section artificielle, on obtient une partie du corps cellulaire dépourvue de noyau, ce fragment ne régénère pas les organes qu’il a perdus par l’effet du sectionnement ; il ne cicatrise pas sa plaie, il ne régularise pas sa forme ; et de plus, au bout d’un certain temps, son protoplasma, soustrait à l’influence du noyau, subit une désorganisation complète. Ces expériences ont été faites non seulement sur des micro-organismes animaux, mais sur des cellules végétales. Elles prouvent l’importance primordiale du noyau dans la cellule, et rendent douteuse, par là même, l’existence des cellules dépourvues de noyau.

Puisque toute cellule renferme, très vraisemblablement, deux éléments distincts, différenciés, le protoplasma et le noyau, qui n’ont ni la même structure physique, ni la même constitution chimique, ni les mêmes fonctions physiologiques, on comprend qu’il serait fort difficile de trouver à citer un seul exemple de cellule simple, homogène. Il convient d’ajouter que ni le protoplasma ni le noyau, considérés chacun à part, ne sont des substances homogènes. Nous n’avons pas besoin d’énumérer toutes les recherches qui ont été faites sur ce point. Rappelons seulement que le protoplasma paraît constitué, au point de vue morphologique, par deux substances, une substance semi-liquide homogène et une substance plus solide, présentant, suivant les auteurs, tantôt la forme de filaments libres, tantôt la structure d’un réseau.

Il est donc impossible d’admettre, aujourd’hui, qu’il existe des cellules homogènes, à moins de revenir à la théorie de Dujardin sur le sarcode. Il n’existe point d’êtres simples, et ceux qui paraissent tels sont seulement mai connus.

Cependant, il ne faut peut-être pas prendre à la lettre les termes employés par M. Richet. Lorsqu’il parle de cellules homogènes, peut-être veut-il simplement parler de cellules dans lesquelles on ne trouve, en outre du noyau, aucun organe différencié.

Or, il importe de remarquer que, même chez des êtres dont le corps est composé simplement de protoplasma et d’un noyau, la psychologie est déjà fort complexe, et n’est pas représentée seulement par les lois de l’irritabilité.