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P. JANET.actes inconscients dans le somnambulisme

avons constaté que, au-dessous de cette conscience, se trouvaient un grand nombre de faits psychologiques subconscients. Léonore les connaît-elle également ? Il y a d’abord des actes inconscients accomplis pendant la veille qui étaient déjà remémorés et connus pendant le premier somnambulisme, ceux-ci sont évidemment très bien connus par Léonore, puisqu’elle n’ignore rien de la vie de Léontine. Mais il y avait d’autres actes inconscients, soit par distraction, soit par anesthésie, pendant la veille, que Léontine ne retrouvait pas et qui se produisaient encore inconsciemment pendant le somnambulisme lui-même. Eh bien ! les premiers qui sont obtenus par la distraction existent très nettement dans la mémoire de Léonore et nous retrouvons à ce propos un caractère déjà signalé. Léonore, qui est la première à se souvenir consciemment de ces faits, se les attribue à elle-même : « Pendant qu’elle parlait à un tel, dit-elle, à propos d’un acte inconscient de la veille, vous avez dit de tirer sa montre, je l’ai tirée pour elle, mais elle n’a pas voulu regarder l’heure… » « Pendant que Léontine parlait, dit-elle à propos d’un acte inconscient pendant le somnambulisme, vous m’avez dit de faire des bouquets ; j’en ai fait deux ; j’ai fait ceci et cela… » Et elle répète tous les gestes que j’ai décrits et qui avaient été inconscients pendant l’état précédent. Elle se souvient également des lettres écrites à l’insu de Léontine : « C’est moi qui vous ai écrit de faire attention à son bras, c’est moi qui vous ai dit de la faire respirer ; n’avais-je pas bien raison ? c’est moi qui vous ai écrit que je voulais venir, vous ne m’aviez pas amenée depuis longtemps, c’était bien mon tour. » Enfin elle s’attribue les étranges hallucinations auditives de Léontine : « Qu’est-il donc arrivé, lui dis-je, quand elle a eu si peur ? — Oh ! ce n’est rien, c’est moi qui lui ai dit de se tenir tranquille ; je voyais bien qu’elle vous ennuyait, je ne sais pas pourquoi elle a eu peur. » Léonore se souvient aussi facilement des actions exécutées pendant la catalepsie véritable qui a précédé le second somnambulisme, et ce n’est pas une des moindres curiosités de cette étude que la découverte d’un état somnambulique qui se rattache intimement à la catalepsie vraie. On a dit quelquefois que les actions cataleptiques étaient complètement automatiques ; nous avons signalé autrefois, le premier peut-être, de l’écriture intelligente pendant l’attaque cataleptique ; nous trouvons maintenant un état somnambulique où le sujet peut réciter tout ce qu’on lui a fait faire en catalepsie. Mais nous ne voulons pas insister sur les caractères psychologiques de la catalepsie qui ne font pas partie de notre sujet et qui exigent une étude spéciale.

Restent les actes inconscients par anesthésie, c’est-à-dire ces