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RICHET.les réflexes psychiques

dent de sa nature, sur laquelle ni l’éducation, ni l’habitude, ni la mémoire n’ont d’influence, et d’autre part ceux qui n’existent que par le fait de la mémoire et de l’association des idées et alors les divers faits extérieurs sont capables d’entrainer telle ou telle réaction réflexe.

Il nous semble qu’on peut appeler les premiers : réflexes psychiques innés ou héréditaires, et les autres : réflexes psychiques acquis ou individuels[1].

Les réflexes psychiques acquis ou individuels sont d’autant plus importants que l’animal a vécu plus longtemps et qu’il a plus de mémoire. En effet, c’est par suite des souvenirs accumulés que chaque individu humain réagit à telle ou telle stimulation d’une manière différente. Pour que le mot imbécile, prononcé dans une discussion, me fasse rougir, il faut d’abord le souvenir de la valeur du mot imbécile ; il faut ensuite toute la série des opérations intellectuelles qui ne peuvent s’opérer qu’à force de mémoire : mémoire de ce que je suis, de ma dignité personnelle ; de ce qu’ont fait ceux qu’on à traités d’imbéciles, etc. ; toutes ces images, tous ces souvenirs se pressent en foule à mon esprit malgré moi, en dehors de moi, pour ainsi dire, et instantanément la rougeur réflexe survient.

Si l’on presse la gâchette du fusil, le chien s’abat, la capsule éclate, la poudre détone, le plomb est projeté hors du canon, traverse l’air, casse l’aile d’un perdreau, et le perdreau tombe. Voilà une série d’actions bien diverses qui s’opèrent avec une rapidité presque foudroyante. De même, par l’association et le souvenir, le son imbécile va faire vibrer dans mon cerveau une série d’idées, qui se succéderont avec une promptitude merveilleuse, pour aboutir presque instantanément à la dilatation des capillaires de la face : et cependant il y a eu là une complexité étonnante, et une élaboration aussi compliquée qu’elle est rapide.

C’est là ce qui permet d’établir une différence formelle entre les êtres doués de mémoire et ceux qui ne sont pas doués de mémoire.

Supposons un moment deux chiens, Dick et Bob par exemple, tout à fait semblables, et ayant tous deux, comme de juste, les mêmes réflexes d’organisation, réflexes psychiques héréditaires. Admettons seulement que Dick est dépourvu de toute mémoire, tandis que Bob a une mémoire excellente. Le premier jour, entre Dick et Bob, nulle différence ; mais, au bout de vingt-quatre heures, les allures de Bob

  1. Il est vraisemblable que nos réflexes psychiques innés ont été acquis par nos ancêtres, quels qu’ils soient, et qu’ils se sont transmis par l’hérédité. Mais cette discussion nous entrainerait hors de notre sujet.