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PAULHAN.l’associationnisme et la synthèse psychique

considérer l’ordre même de ces phénomènes, leurs relations réciproques et le résultat général de ces relations, et c’est là proprement l’objet de la science biologique. C’est en ce sens qu’il faut interpréter l’idée directrice de Claude Bernard. L’idée directrice est une loi naturelle, elle est l’arrangement même des phénomènes.

Le premier écueil, la métaphysique, est de nos jours plus facilement évité, quand il se présente sous ses formes traditionnelles. Le second au contraire paraît actuellement plus dangereux. Une des causes de ce danger est la prédominance excessive de l’esprit d’analyse. Une grande école de psychologie, école qui va de Hartley et Hume, à Bain, Stuart Mill a montré, avec le talent ou le génie de l’analyse, un manque complet de dispositions à la synthèse. M. Spencer qui continue à certains égards cette école en a rajeuni les doctrines et les a en partie corrigées, parce qu’il possédait à un degré éminent ce qui manquait à ses devanciers, le don de la synthèse. Mais il est resté encore quelquefois arrêté dans l’empirisme.

Au reste il ne faut pas voir dans la méthode analytique la seule cause et la cause logique de l’erreur commise. L’analyse, en effet, pourrait s’appliquer aussi bien à l’ordre des éléments d’un fait composé qu’à ces éléments eux-mêmes, mais c’est un fait que souvent les philosophes, les psychologues qui s’appliquent surtout à l’analyse ont trop peu le soin de tenir compte des relations synthétiques supérieures des phénomènes. Les lois abstraites qu’ils dégagent proviennent plutôt de l’abstraction d’un caractère particulier de certains phénomènes pris isolément, ou de la comparaison de certains phénomènes (comme par exemple la loi qui ferait de toute idée la copie affaiblie d’une impression), ou encore de la considération des rapports d’un certain nombre de faits considérés dans leurs relations réciproques, à l’exclusion des autres faits dont la considération serait cependant nécessaire pour donner à la loi son vrai sens (comme par exemple les lois de l’association par contiguïté et ressemblance), que de la synthèse abstraite qui réunit en une loi générale les relations réciproques d’un nombre indéfini de faits (comme la loi de l’évolution de M. Spencer), ou qui, en énonçant une loi particulière, s’occupe de la faire mettre en harmonie avec les autres lois particulières ou avec les lois les plus générales, de manière que le tout offre ou bien un système complet, ou bien des éléments qui peuvent, avec les progrès de la science, se coordonner en un système.

Les associationnistes, en voulant ramener toutes les opérations de l’esprit à des associations par similarité et ressemblance, ressemblent à quelqu’un qui définirait une pendule en disant que c’est une association de cuivre, de marbre, de verre, d’acier et d’émail, en négli-