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I

Le problème du sens musculaire touche au point le plus délicat et le plus obscur de notre activité motrice. Cette activité motrice, dont il importe tout d’abord d’avoir une idée sommaire, a été très bien analysée par M. William James[1]. Lorsque, dit-il en résumé, un sujet normal exécute, les yeux ouverts, avec un membre qui n’est ni paralysé ni insensible, une action volontaire, simple ou compliquée, ce mouvement implique tout d’abord certains états préparatoires, qui sont : 1o une idée préalable de la fin que le sujet désire atteindre ; 2o un fiat, un ictus de la volonté ; puis, au moment du passage de la volonté à l’acte, d’autres éléments interviennent ; un événement physiologique ; 3o les contractions musculaires appropriées, et un événement psychique ; 4* la perception sensible du mouvement, à mesure qu’il s’exécute.

C’est sur ce dernier point que porte tout le fardeau de la discussion. Les auteurs se demandent comment le sujet se rend compte de l’exécution de l’acte qu’il a commandé. Envisagée dans ses termes généraux, la questions du sens musculaire, comme Hughlings-Jackson a eu raison de le remarquer[2], se ramène à la question plus générale des rapports de la conscience avec les phénomènes moteurs.

Tout d’abord, lorsqu’il s’agit de mouvements volontaires, nous avons conscience du travail de nos muscles, par le seul fait que nous avons conscience de la volonté qui a commandé le mouvement. Mais ce n’est pas tout ; il y a une sensation spéciale, qui nous avertit de la contraction de nos muscles volontaires ; nous connaissons l’effort développé pour soulever un poids, la fatigue ou le repos de nos membres, bien que ces états divers soient indépendants de notre acte de volonté, i Souvent, remarque M. Ribot, la localisation de ces sensations dans nos muscles est très précise ; ainsi, après une longue marche, surtout en descendant, la sensation de fatigue est localisée, au jugement des anatomistes, dans le jambier antérieur et le triceps crural[3]. »

Dans quel but la nature, l’intensité et la portée de la contraction musculaire sont-elles connues par la conscience du sujet ? On donne en général pour motif que la perception des mouvements est nécessaire à leur coordination ; le défaut de coordination prouverait, dans

  1. The feeling of Effort, Boston, 1880.
  2. Brain, avril 1887.
  3. Revue Philosophique, octobre 1879.