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Lorsqu’on ferme les yeux, les mouvements difficiles ou inusités deviennent incertains, et l’on sait à quel point une personne qui commence à jouer du piano a besoin du contrôle visuel pour ne pas faire de fausses notes.

Le sens de l’ouïe nous fournit une autre source d’informations, mais de valeur bien moindre. On peut, par exemple, les yeux fermés, se rendre compte qu’on écrit en écoutant le bruit de la plume sur le papier. Mais c’est surtout pour connaître la qualité des sons émis par la voix que l’oreille nous est utile. Le rôle de direction et de régulation qu’elle exerce sur les mouvements des organes vocaux est tout à fait remarquable ; on a souvent observé que les sourds ont une parole rude et peu harmonieuse, parce qu’ils ne s’entendent pas parler et qu’ils ne peuvent pas régler l’émission de leur voix.

En troisième lieu, des notions sur le mouvement accompli nous viennent des sensations que l’on rapporte à la sensibilité générale ; ces sensations, plus obscures et plus mal définies que les précédentes, sont extrêmement nombreuses ; tout d’abord, lorsqu’on exécute un mouvement difficile, la bouche se ferme, la glotte se resserre, la respiration s’arrête ou précipite ses mouvements ; à ces sensations vagues et diffuses, qui doivent contribuer, selon l’opinion de Ferrier, à la genèse de la sensation d’effort, s’ajoutent d’autres sensations, mieux localisées, qui proviennent directement des membres en action ; lorsqu’on meut son bras ou sa jambe, les yeux fermés, on sent que le membre se déplace ; ces impressions de mouvement, auxquelles la psychologie moderne a fait jouer un rôle très considérable, dérivent probablement des muscles contractés, des ligaments tirés, des articulations comprimées, de la peau tendue, ou plissée ou froissée par le vêtement. Ce sont elles qui, indépendamment de la vue, nous donnent la notion de la résistance des corps, de leur poids, de leur consistance, de leur forme.

L’importance de ces sensations ressort de cas morbides. Dans l’hystérie, les troubles de la sensibilité sont fréquents ; des malades sont parfois privés de toute espèce de sensibilité dans une portion limitée de la peau ou dans un membre, ou dans une moitié du corps, ou dans le corps tout entier. Fréquemment, cette insensibilité de la peau s’étend aux organes sous-jacents ; la pression énergique, ou la faradisation intense de masses musculaires, la torsion violente des articulations, ne réussissent à provoquer aucune réaction douloureuse. Ces malades sont donc aptes à nous montrer, par la méthode de différence, quelles sont les fonctions remplies par la sensibilité de la peau, des muscles et des articulations. En effet, dès qu’ils cessent de voir leurs membres insensibles, ils n’ont