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QUESTIONS SOCIALES


I. LA JOURNÉE NORMALE

Les dangers d’ordre politique et social qui menacent l’État moderne de sombrer, disais-je dans un travail publié il y a quelques mois [1], ne sauraient être détournés par des moyens mécaniques, sans une amélioration des mœurs, dont le niveau reste aujourd’hui sensiblement inférieur à ce qu’exigeraient les institutions démocratiques pour fonctionner tolérablement. Loin de s’élever, ce niveau nous a paru tendre plutôt à baisser encore. Une présomption naturelle nous a conduit à nous demander si les doctrines, les vues d’ensemble, les théories dont se nourrit un public toujours plus nombreux, si la philosophie à la mode, pour le dire net, était étrangère au phénomène que nous pensions constater ; et nous avons trouvé qu’en privant le devoir de sa sanction principale en même temps qu’il enlève au devoir son fondement rationnel et sa vérité, le discrédit où l’idée religieuse est tombée était certainement pour la conduite une cause de dissolution et de corruption. Sans nous arrêter à cette conclusion assurément très banale, mais peut-être difficile à renverser, nous nous sommes demandé d’où vient l’assurance avec laquelle se produit de nos jours la négation des réalités spirituelles, et nous n’avons pas eu de peine à en découvrir l’origine dans la théorie en crédit sur la façon dont se produit en nous la connaissance. Du moment où l’on admet que toute certitude vient du dehors et qu’il n’y a de croyance légitime que les jugements fondés sur l’expérience sensible, Dieu croule nécessairement avec le droit et le devoir. Les Anglais eux-mêmes commencent à s’en aviser. Ceux qui pensent trouver Dieu dans la nature sont des gens convaincus d’avance et qui choisissent instinctivement dans la nature pour arriver au résultat réclamé par leurs sentiments. Mais avec Dieu tombent aussi le devoir et le droit. Si l’on a vu dans le devoir un

  1. La Civilisation et la Croyance.