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ces deux éminents physiologistes, préoccupés avant tout de dissiper les confusions régnant alors, n’ont pas essayé de faire rentrer les phénomènes psychiques dans le groupe des fonctions réflexes. Au contraire ils ont cherché à séparer nettement une action réflexe d’un acte volontaire. Telle a été leur tâche, et ils y ont pleinement réussi ; car c’est seulement après leurs beaux travaux que la nature de l’acte réflexe s’est introduite définitivement dans la science.

Si l’on examine en effet ce que dit à ce sujet Jean Müller, plus méthodique et plus profond que Marshall-Hall, on trouve la classification suivante des mouvements divers accomplis par les organismes.

1o Mouvements déterminés par des irritations hétérogènes, externes ou internes. (Il s’agit là des mouvements que produit l’application d’irritants directs, chimiques, physiques ou mécaniques, sur le tissu de la moelle du cerveau ou des nerfs.)

2o Mouvements automatiques. (Respiration et contraction des sphincters.)

3o Mouvements par antagonisme. (Nous dirions aujourd’hui mouvements dus au tonus musculaire. En tirant un muscle, les antagonistes se contractent. Nous savons maintenant que cette contraction tonique est une action réflexe partant des nerfs sensitifs musculaires et transmis à la moelle épinière.)

4o Mouvements réflexes. (Dans cette classe Müller ne fait rentrer aucune des actions psychiques que nous appellerons réflexes. Il n’y a dans ce groupe des réflexes, tel que le comprend Müller, que les mouvements tout à fait somatiques : toux, éternuement, vomissement, contractions de l’iris, des vésicules séminales, et du pharynx, frisson et tremblement causés par le froid extérieur, etc.)

5o Mouvements associés. (Müller les définit en disant que l’impulsion à un mouvement volontaire détermine simultanément un mouvement involontaire qui lui est associé.)

6o Mouvements qui dépendent de l’état de l’âme. (Ceux-là forment trois classes, suivant qu’ils sont la conséquence d’idées, de passions, ou de déterminations de la volonté. Or, ainsi qu’on le verra dans la suite de ce travail, ce sont précisément ces mouvements liés à des passions de l’âme qui constituent les réflexes psychiques.)

Ainsi, pour J. Müller, il y a une séparation presque absolue entre les mouvements réflexes où l’âme n’est pas émue et les mouvements qui sont liés à des affections de l’âme (ou conscience).

On comprend que cette distinction doit être faite. Mais, comme il n’y a pas de transition dans les phénomènes de la nature, on sera, suivant qu’on cherche à relier synthétiquement les phénomènes ou à les séparer par l’analyse, porté à constituer tel ou tel groupe bien particulier, bien dissocié (analyse), ou à ranger en bon ordre dans un même groupe des faits qui se ressemblent (synthèse). Au moment où l’on commençait l’étude des réflexes, on se préoccupait surtout de l’analyse, et on avait raison ; mais à présent il est préférable, pensons-nous,