Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/551

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celles qui ont pour objet les forces reproduites ; celles qui se rapportent aux formes reproductrices. Quant à ces dernières, qui constituent la biologie, elles se divisent tout naturellement en deux chapitres : 1o la physiologie, qui étudie d’une façon générale la reproduction du milieu, c’est-à-dire les procédés suivant lesquels l’organisme, en s’adaptant aux choses, imite en lui-même leurs connexions externes ; 2o la morphologie, qui étudie les formes en nombre indéfini par lesquelles l’adaptation s’est produite en fait, qui les groupe en les ramenant à un certain nombre de formes fondamentales, qui détermine leurs lois d’apparition. Ainsi définies, ces connaissances constituent un groupe scientifique logiquement indépendant des sciences physiques, quoique pratiquement elles empruntent à celles-ci leurs instruments et leurs méthodes, et elles ont un objet aussi distinct du monde inorganique que la copie est distincte de l’original.

Ainsi, nous trouvons dans l’organisme une première scène de reproduction pour les forces physiques éparses autour de lui, un premier réflecteur au foyer duquel elles viennent converger, réflecteur dont la présence est d’ailleurs toute de surcroît par rapport aux forces elles-mêmes, et qui, en apparaissant, constitue réellement une addition, un quelque chose superposé aux choses physiques (μετὰ τὰ φυσιχά). Maintenant, sur cette représentation vitale du milieu vient s’en greffer une seconde qui résume encore la première et devient l’image d’une image : nous avons nommé l’Esprit. Comme on l’a si bien dit, l’esprit est par rapport au corps ce qu’est un plan levé sur le terrain relativement au terrain lui-même : il le reproduit et le réduit ; il en fait la topographie, non le décalque. Et dans cette élaboration qu’il exerce sur la première copie du monde physique opérée par l’organisation, il lui confère un nouvel attribut : celui de la Conscience. Il semble en effet que la conscience ne soit pas autre chose qu’un groupe d’éléments inconscients arrivés à une concentration suffisante, et que la condition ultime qui la fait apparaître soit le degré même de la condensation. Comme il n’y a vision distincte d’un objet que si l’objet ne dépasse pas en étendue certaines limites, il ne se produit de conscience dans l’organisme que si les relations de l’ensemble s’y sont répétées sur une échelle suffisamment réduite.

C’est ainsi que la Pensée, en représentant d’une manière appropriée les séquences organiques, et, par leur moyen, les séquences du milieu, parvient à constituer une image complète, quoique abrégée, du milieu total. Partant des associations les plus spéciales et les plus passagères, — qui répondent aux rencontres fortuites de phénomènes — pour arriver, à travers la hiérarchie des idées générales, jusqu’aux formes de l’intuition — qui sont identiques aux relations les plus uniformes et les plus constantes des événements extérieurs — elle retrace dans l’individu l’ébauche de l’univers lui-même. On peut donc dire que la Pensée est la conscience du milieu tel qu’il se réfléchit dans l’organisme. Plus l’organisme est parfait, c’est-à-dire plus grande est la fidé-