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gueur à ma seconde ligne. Je fausserai ainsi les résultats de l’expérience. Il serait même prudent, à ce point de vue, de ne pas regarder son cahier d’expériences avant de les avoir terminées ; et si l’on fait les expériences au tableau noir, il vaudrait mieux faire prendre les mesures par une autre personne, de façon à n’en avoir soi-même aucune connaissance.

2o Expériences sur la direction du mouvement. — Pour ces expériences, j’ai employé le procédé suivant. Je trace (toujours les yeux fermés) deux lignes de façon qu’elles fassent entre elles un certain angle, 1, aigu ou obtus. Puis, soit immédiatement après, soit après un

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temps variable, je reproduis le tracé de ces deux lignes en cherchant à reproduire aussi exactement que possible l’angle primitif, soit 2. J’évitais l’angle droit parce que le souvenir des mots « angle droit » persiste certainement plus longtemps dans l’esprit que le souvenir d’un mouvement dans une direction donnée. Quant aux divers degrés d’ouverture des angles aigus ou obtus, je ne suis pas assez familier avec le dessin linéaire pour qu’un nombre déterminé de degrés corresponde dans mon esprit à une direction donnée de mouvement. Une fois les expériences terminées, il suffit de prendre avec un rapporteur le degré de l’angle primitif et celui de l’angle reproduit pour voir si celui-ci est égal, ou plus grand ou plus petit. Il est évident qu’on pourrait varier beaucoup les procédés d’étude de l’étendue et de la direction du mouvement et qu’il serait très facile d’en imaginer d’autres. Je me suis borné pour le moment aux procédés que je viens d’indiquer.

Je dois maintenant entrer dans quelques détails personnels, car l’âge et les conditions individuelles doivent, à priori, exercer une grande influence sur la mémoire. Age : cinquante-sept ans. Ma mémoire a été excellente ; étant jeune, j’apprenais très facilement et retenais bien. Ma mémoire est actuellement encore assez bonne, mais certainement inférieure, et probablement de beaucoup, à ce qu’elle était pendant ma jeunesse.

Mes travaux ne me permettant pas de consacrer à ces expériences les heures de la journée, j’ai dû les faire pour la plupart pendant la nuit. Je les ai faites étant dans mon lit soit avant de m’endormir, soit au milieu de la nuit quand je me réveillais par hasard, soit le matin, après mon réveil, quand ce réveil se faisait de très bonne heure. L’obscurité, le silence de la nuit, l’absence de tout dérangement, de toute cause de distraction, étaient du reste autant de conditions favorables à la concentration d’esprit et à l’attention que demandent ces expériences.