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des particularités propres aux plus anciens monuments. « Sur une série de peaux, dont chacune formait une mégillath sépher ou rôle, le texte sacré était disposé comme sur les feuillets d’un livre, le plus souvent en plusieurs colonnes, en ancienne écriture hébraïque ou caractères phéniciens jusqu’après l’exil, sans points-voyelles ni aucun signe diacritique, sans intervalle entre les mots, dont toutes les lettres, étroitement rapprochées les unes des autres, formaient ce qu’on appelle une continua scriptio, source de tant d’erreurs chez les copistes. »

La théologie protestante, qui se fonde avant tout sur l’interprétation de la Bible, a prétendu garantir les textes sacrés par une doctrine, qui serait la négation même des recherches entreprises par M. Le Savoureux. Le texte actuel, le texte dit « massoréthique » serait tout simplement déclaré infaillible, « inspiré jusque dans les voyelles et les points ». C’est une manière commode de trancher le débat. Un écrivain récent parle, dans un accès de lyrisme, de « l’étonnante conservation de ce texte copié pendant trente-trois siècles, par laquelle les espérances des ennemis de la religion ont été renversées ». Notre auteur riposte très nettement que si, de notre temps une chose a été établie d’une manière convaincante, « c’est que ce texte, dont les caractères ne sont pas ceux de l’écriture primitive et qui, après avoir été à différentes fois revu et expurgé, puis complété par un système de vocalisation fixant sa prononciation, ce texte qui n’arriva enfin à revêtir sa forme actuelle que plusieurs siècles après Jésus-Christ, s’est assez bien conservé depuis le xie siècle jusqu’à nous ».

Supposant donc les livres hébreux fixés pour la première fois par l’écriture du xe au iie siècle avant notre ère, comme on l’admet généralement, — ou plutôt du ve seulement au Ier, comme nous serions disposé à le penser de préférence, — il y a là un espace de mille années ou plus pour lesquelles leur destinée nous échappe, pendant lesquelles il est évident qu’ils furent soumis aux mêmes causes d’altération que n’importe quelle littérature. Comme il a déjà été dit, faute de documents vraiment anciens, nous sommes réduits à une critique conjecturale, qui ne peut malheureusement pas s’appuyer sur les leçons de manuscrits antiques. Cependant la Bible elle-même nous offre des exemples de textes reproduits à plusieurs reprises, notamment dans les Psaumes, et nous voyons que ces textes ont subi de singuliers changements. La comparaison des noms propres cités aux Chroniques avec ceux relatés aux autres livres historiques est également instructive. Enfin le nombre des passages inintelligibles, incomplets, visiblement tronqués et altérés est considérable.

« Œuvre d’athéisme socialiste, ces essais sur la vie de Jésus ont besoin d’une explication préalable. — On nous accuse d’avoir une doctrine sans consistance, n’ayant ni passé ni avenir. J’ai donc cru devoir montrer qu’elle a dans le Christ, notamment, un ancêtre irrécusable et qu’il n’y a entre lui et nous qu’une simple disproportion de développe-