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oubliée ou inusitée depuis longtemps paraît relativement assez fréquent. « Un homme, cité par M. Abernethy, était né en France, mais il avait passé la plus grande partie de sa vie en Angleterre et, pendant plusieurs années, avait entièrement perdu l’habitude de parler français. Mais quand il fut soigné par M. Abernethy, à la suite des effets d’une blessure à la tête, il parla toujours français. Un cas semblable arriva à l’hôpital Saint-Thomas ; il fut présenté par un homme tombé dans un état de stupeur à la suite d’une blessure à la tête. Quand il revint partiellement à lui, il parla un langage que personne à l’hôpital ne comprit, mais qui fut bientôt reconnu pour le langage du pays de Galles. On découvrit alors qu’il était depuis trente ans absent de ce pays et que, avant l’accident, il avait entièrement oublié son langage natal. Quand il fut complètement guéri il oublia de nouveau ce langage et recouvra l’usage de la langue anglaise[1]. »

Des cas très curieux et fort intéressants aussi et bien propres à montrer l’activité relativement indépendante des systèmes sont ceux où un système de mouvements ou d’idées se transmet par hérédité d’une personne à une autre ; le système paraît d’ailleurs n’avoir aucune cohérence harmonique avec le reste de la personnalité de l’individu, cependant il doit évidemment se rattacher à d’autres phénomènes organiques qui ont avec lui un rapport de cause à effet. Le fait n’en reste pas moins intéressant et probant dans la mesure où l’activité isolée peut exister, car elle n’est jamais, comme nous l’avons dit, absolument isolée. Laycock rapporte le fait suivant cité par Darwin, d’après M. Francis Galton : « Un personnage était sujet à l’habitude que voici ; lorsqu’il était étendu sur le dos dans son lit et profondément endormi, il élevait le bras droit lentement au-dessus de son visage jusqu’au niveau du front, puis l’abaissait par une secousse, en sorte que le poignet tombait pesamment sur le dos de son nez. » Le geste ne se produisait pas chaque nuit et on ne lui connaissait pas de cause appréciable. Son fils et une fille de ce fils héritèrent du même tic. D’après Laycock, il est probable que cet acte avait pour origine l’habitude prise par le grand-père ou un de ses parents de se frapper la figure ou le menton quand il ne dormait pas[2]. M. Galton a trouvé dans vingt-deux familles une tendance héréditaire à la vision des « number-forms » ; l’hérédité se montre aussi à propos de cette curieuse disposition qui fait s’associer une couleur avec chaque voyelle Une dame écrit à M. Galton que ses sœurs voient comme elle les lettres colorées, mais les couleurs sont différentes. M. Galton

  1. Abercrombie, Inquiries concerning the intellectual powers and the investigation of truth, p. 108.
  2. Laycock, la Mémoire ancestrale (Revue scientifique, 1876, vol.  II).